31 mars 2006

Espérance de vie

Ce qui est bien avec « Le Canard Enchaîné », c’est qu’on en a pour son argent. Ainsi je tombe, in extremis, sur un article de l’excellent Jean-Luc Porquet qui m’avait échappé dans le numéro du 22 mars 2006, sous le titre « Faire ou ne pas faire de vieux os ». Cela concerne un livre d’un certain Claude Aubert, intitulé « Espérance de vie, la fin des illusions » (Terre Vivante). Ce qui est moins bien avec « Le Canard », c’est qu’ils n’ont pas d’édition en ligne et que je vais donc devoir recopier cet article in extenso. Mais que ne ferais-je pas pour vous ?... et surtout, pour souligner comme il se doit cet aspect d’un progrès présenté comme mathématique et qui porte, en fait, les germes de sa propre annulation… Mais lisez plutôt :
« Chaque année depuis plus d’un siècle nous gagnons deux à trois mois d’expérance de vie (77 ans pour les hommes et 84 ans pour les femmes aujourd’hui). Et ça ne devrait pas s’arrêter de sitôt : en 2090, les démographes de l’INED nous le promettent, nous autres Français ne nous permettrons de trépasser qu’à 90 ans. Génial, non ?
Claude Aubert ne partage pas ce rêve. Ingénieur agronome, pionnier de l’agriculture biologique, il pense qu’il est erroné de prolonger la courbe ascendante, et l’affirme dans ce livre iconoclaste : si nous continuons ainsi, nous vivrons moins longtemps que nos parents. Sans effets de manches ni stridences, il note que nous sommes au croisement de deux courbes : celle, descendante, de la mortalité infantile, des morts par maladies infectieuses et cardio-vasculaires ; et celle, ascendante, de la mortalité due aux pathologies induites par le mode de vie moderne. L’espérance de vie, remarque-t-il, dépend dans une large mesure des conditions du développement du fœtus et du très jeune enfant. Or, la longévité qu’on observe aujourd’hui concerne des personnes nées dans le premier tiers du XXe siècle, à une époque où "le tabagisme était beaucoup moins répandu qu’aujourd’hui, inexistant chez les femmes, l’obésité exceptionnelle, et la pollution chimique, limitée aux sites industriels, ne concernait qu’une petite fraction de la population". Aujourd’hui, c’est le contraire.
Le tabagisme : la lutte a beau être engagée, c’est maintenant que les fumeurs paient l’addition, et nous sommes en route vers les 160.000 morts par an (en France, ndlr). L’obésité : due à la malbouffe, la télé et la sédentarité, elle est devenue un vrai fléau, qui fait notamment exploser le nombre de diabètes mortels. La chimie : les enfants sont le cible privilégiée des molécules chimiques balancées dans l’environnement ; c’est dans leur sang ou leur urine que l’on trouve par exemple les quantités les plus élevées de retardateurs de flammes, de bisphénol A et de muscs artificiels (parmi les 200 polluants chimiques retrouvés dans leur corps), et seuls les naïfs s’imaginent qu’il n’en résulterait aucun impact sanitaire à long terme.
Pour conclure, Aubert annonce que nous entrons dans un monde de malades chroniques (déjà 15 millions de Français !), et après avoir distribué quelques conseils de base dit qu’il aimerait se tromper. Nous aussi… »
Voilà ; si vous avez tablé sur 99 ans de vie dans votre plan de carrière, passez vite un check up et refaites vos calculs.

24 mars 2006

OGM : de gré ou de force.

La discussion (?) qui se déroule actuellement en France sur la levée du moratoire sur les OGM a au moins ce mérite : elle démontre la stratégie de harcèlement (on ne peut même plus parler de lobbying) menée par les semenciers pour parvenir à obtenir ce que tous les démocrates affirment depuis toujours non négociable: le brevet sur le vivant. Pour avoir moi-même assisté à un « colloque » chez l’un d’entre eux, et entendu les discours des scientifiques qui leur servent de caution, je peux vous certifier qu’on a affaire à des pros qui ne sont pas près de lâcher le bout de gras (un sacré but de gras). Habiles, les multinationales de la graine privée ont placé le débat sur l’innocuité des OGM, qu’elles se font fort de démontrer (en ne publiant que les études qui les arrangent et en plaçant celles qui les dérangent sous le sceau du « secret industriel », notamment celle qui démontre une altération de la composition sanguine chez le rat nourri au maïs transgénique). Alors que le vrai débat est évidemment ailleurs : à quoi servent les OGM, sinon à enrichir au-delà de toute raison et ad vitam aeternam une poignée d’entreprises sans scrupule ? A rien. En tout cas, rien qui n’ait été démontré et qui soit effectivement utile à l’homme dans sa lutte contre la faim. Je ne vais pas vous fatiguer avec une longue démonstration : ce qu’en dit G.-E. Séralini, expert en OGM pour le gouvernement français et l’UE (Libé, 21/3) en atteste à suffisance: « Après 10 ans d’existence, ils nourrissent les vaches des pays riches, pas les enfants des pays pauvres ». Quant au législateur, il se moque ouvertement du monde : tolérer (au nom de la dissémination « fortuite ») 0,9% d’OGM dans les produits labellisés « bio » est une scandaleuse pantalonnade, une de plus en la matière, et qui vise, selon les termes de Jean-Pierre Berlan, directeur des recherches de l’Institut National de Recherche Agronomique (peu suspect d’agit’prop’), à « euthanasier l’agriculture biologique, dont le seul tort est d’utiliser la gratuité de la nature plutôt que les pétro-impétrants ruineux pour les humains, les sols, l’eau, bref, notre milieu de vie. » (Le Canard enchaîné, 22/3).
Un marché captif de 6,5 milliards de consommateurs, quel industriel n’en rêverait ? Les élus de nos nations sont en train de l’offrir sur un plateau, aides financières à l’appui, notamment à Monsanto, génial inventeur du napalm (qui n’a laissé que de bons souvenirs au Vietnam) et à Bayer qui, au sein du consortium IG Farben, a mis au point le célèbre et hilarant gaz Zyklon B qui a démontré toute son efficacité à Auschwitz et Birkenau. Encore bravo, et surtout merci.

08 mars 2006

Grippe aviaire: le verso de l'info

Selon l'ONG "Grain", l'origine de l'épizootie du H5N1 ne fait pas de mystère, mais la réalité ne plaît guère aux lobbies de l'agro-alimentaire:

"Ce n'est pas la volaille de basse-cour ou la volaille élevée en plein air qui alimente la vague actuelle de cas de grippe aviaire sévissant dans plusieurs endroits du monde.
La souche mortelle H5N1 de la grippe aviaire est essentiellement un problème de pratiques d'élevage de volaille industrielles. Son épicentre se trouve dans les fermes d'élevage industriel de Chine et d'Asie du sud-est et -- alors que les oiseaux sauvages peuvent transporter la maladie, au moins sur de courtes distances -- son vecteur principal est l'industrie avicole multinationale extrêmement automatisée qui envoie ses produits et les déchets de ses élevages autour du monde par une multitude de canaux.
Les petits éleveurs de volaille et la diversité biologique ainsi que la sécurité alimentaire locale qu'ils soutiennent souffrent pourtant sévèrement des retombées de cette crise. Et, pour aggraver les choses, les gouvernements et les organismes internationaux, suivant les hypothèses éronnées sur la manière dont la maladie se répand et s'amplifie, continuent à prendre des mesures pour imposer le confinement et poussent à industrialiser davantage le secteur avicole. Dans la pratique, ceci signifie la fin de l'aviculture à petite échelle qui fournit la nourriture et les moyens d'existence à des centaines de millions de familles à travers le monde.
Cet article apporte une nouvelle perspective sur l'histoire de la grippe aviaire qui conteste les hypothèses actuelles et remet les projecteurs là où ils devraient être : sur l'industrie multinationale de la volaille."

Voir les infos sur http://www.grain.org/front/

Colloque pour un monde meilleur

Le premier colloque du Collège de France à l'étranger a lieu ces 7 et 8 mars à Bruxelles, sur le thème: "Un monde meilleur pour tous : projet réaliste ou insensé ?" Une brochette de scientifiques et d'acteurs économiques se penche sur la notion de progrès et de recherche utile au bien-être humain. Co-animé par l'ULB et l'UCL. Public admis. On attend les actes du colloque, puis les actes posés par les... acteurs.

01 mars 2006

L'armée US blanchit Halliburton

Malgré une enquête menée par le Pentagone sur les surfacturations, par une filiale d'Halliburton, de ses services à l'armée US en Irak, sur fond de corruption, l'US Army a décidé de payer à l'ancienne société du vice-président Dick Cheney plus de 96% des sommes faisant l'objet du litige. Une paille de 250 millions de dollars, qui vient s'ajouter aux 2,4 milliards de dollars du contrat initial attribué en 2003 à KBR, sans appel d'offres, pour la remise en état de l'exploitation pétrolière en Irak. Au total, Halliburton et ses filiales ont empoché la moitié des montants investis dans le pétrole depuis l'invasion de l'Irak, soit 11 milliards de dollars. Le Pentagone fait un peu la tête, ainsi que le contribuable américain, prié de payer la note. Voir http://www.wsws.org/articles/2006/mar2006/hall-m01.shtml

500 millions contre la grippe aviaire

La Banque mondiale a annoncé lundi avoir libéré une enveloppe de 500 millions de dollars pour l'aide à la lutte contre la grippe avaire dans les pays les plus démunis. Premiers bénéficiaires: le Nigéria et le Kirghyzstan (50 millions chacun) puis sans doute le Niger. Reste à savoir sous quelle forme cette aide sera matérialisée et à quelles conditions.