31 mai 2006

Aux innocents les mains pleines

On croyait avoir touché le fond du cynisme politique crétin en entendant Jean-Marie Happart déclarer avec un aplomb sidérant qu’il avait signé, avec le philanthrope Bernie Ecclestone, un contrat engageant la Région wallonne à Francorchamps pour 12 millions d’euros (par an) sans l’avoir lu «parce qu’il ne connaît pas l’anglais». Eh bien non: il nous restait à entendre Bernard Anselme (RTBF radio, journal de 17 heures), à propos de l’octroi à la SOTEGEC, société de sa compagne par ailleurs présidente de la Commission Consultative d'Aménagement du Territoire de Namur, d’un quart des marchés publics d'urbanisme de la capitale wallonne (dont il est bourgmestre) : «je n’ai jamais pensé qu’il pouvait y avoir là un conflit d’intérêt». Mieux vaut entendre ça que d'être sourd ? Voire. Je crois qu’il vaut mieux être sourd qu’entendre un élu du peuple proclamer qu’il n’a aucune réflexion éthique par rapport à ses responsabilités publiques. Et c’est exactement ce que fait Bernard Anselme. Un type qui, pour se dédouaner, se prétend incapable de discerner un conflit d’intérêts aussi énorme n’a plus qu’une chose à faire : démissionner dans la minute. La minute est largement passée et Anselme, l'homme qui ne pense pas, est toujours en poste. Honte, honte, honte !

Bibendum mergitur

Que le patron d’une usine de pneus meure noyé est assez insolite. Dans l’imaginaire collectif, la chambre à air est plutôt assimilée à une bouée de sauvetage. Pourtant, Edouard Michelin était assez gonflé. En 1999, Michelin a publié des bénéfices semestriels en hausse de 20%, en même temps qu'il annonçait 7500 suppressions d'emplois – et l’action avait bondi de 12%. A l’époque, le gouvernement Jospin (vous savez, celui selon lequel «l’Etat ne peut pas tout») s’était fendu d’une loi contre les «licenciements boursiers» afin de faire retomber la pression. Le but n’est pas ici de se gausser de la mort d’un homme. Mais finalement, quelle belle fin pour un marchand de pneus que de se noyer lors d’une pêche au bar. Au fait, combien de bars, la pression sociale ?

16 mai 2006

Bourse: tabou de souffle

Il est des débats que la grande presse se garde bien d'ouvrir. Il y a pourtant matière à réflexion, à l'heure où l'on fustige le rôle délétère des actionnaires dans la pression au bénéfice "à deux chiffres" exercée sur les entreprises, cause des "licenciements économiques", des "délocalisations sauvages", de la précarisation du travail et de l'exploitation de mains d'oeuvre "à bon marché" sans aucune protection sociale. Sans oublier les "externalités" telles que la pollution, l'exportation illégale de déchets, les économies sur la sécurité...
Il y aurait bien une solution qui supprimerait le pouvoir exorbitant des fonds de pension anglo-saxons, l'exploitation systématique des plus faibles et les flux financiers colossaux non soumis à l'impôt sur le revenu; avec à la clé, un effet sans doute positif sur l'emploi: supprimer la Bourse.
La Bourse, ennemi numéro 1 d'un développement économique et social durable? Il suffisait d'y penser... Plus que jamais, dans les prochaines décennies, ce sera "la Bourse ou la vie". Osons donc un choix. Et ce n'est pas de l'anticapitalisme primaire: de plus en plus d'entreprises décident d'elles-mêmes de se retirer de la Bourse pour conserver leur autonomie. Des sociétés familiales qui veulent le rester ou des entreprises dont l'actionnariat est hyper éclaté et qui constituent une proie facile pour le premier raider venu. L'avenir montrera que la Bourse est un système amoral qui ne sert plus l'intérêt que d'une infime minorité de citoyens, et certainement pas celui des consommateurs, des travailleurs, du Tiers monde ni même des épargnants.

Le sondage qui tue

Selon un sondage de VTM (15/5), 45% des Flamands estiment que le Vlaams Belang/Blok n'a aucune responsabilité morale dans le triple crime raciste d'Anvers. Alors même que le coupable est le fils d'un militant de ce "parti" fasciste et raciste. Un tel aveuglement est absolument terrifiant.
Qu'avons-nous encore à voir avec ces gens-là? Au moins les choses sont claires; les Flamands veulent un Etat nationaliste ? Qu'on le leur donne et bon vent.

Pas clair, le flux d'infos

Dans l'affaire Clearstream, on nous prend vraiment pour des cons. Il suffit d'avoir lu l'enquête de Denis Robert, intitulée Revelation$, pour savoir qu'il est impossible pour une personne physique de posséder un compte à son nom dans cet établissement. Statutairement, les seuls clients de Clearstream ne peuvent être que des institutions financières (banques, agents de change, assureurs...). Et l'enquête de Robert souligne déjà comme une grave dérive la présence, dans les listings de titulaire de comptes dits "non publiés" (tout un programme), de multinationales qui, comme Siemens, Daewoo ou Air Liquide par exemple, n'ont a priori aucune activité purement financière, mais possèdent des avoirs dans la plupart des paradis fiscaux (et donc des flux à éclaircir).
L'unité comptable chez Clearstream étant le million de dollars, voire le milliard, même les mieux lotis des bénéficiaires français d'éventuelles rétrocommissions n'ont aucune chance d'y ouvir un compte. Que dire alors de Sarko, Fabius, DSK ou Chevènement? La ficelle est grosse comme une sardine marseillaise; est-ce pour cela qu'on nous en sert des tonnes?

07 mai 2006

Courage politique et bien commun

La nationalisation de l'exploitation gazière et pétrolière en Bolivie démontre que la volonté et le courage politiques permettent de faire échec à la toute-puissance du marché au profit de l'intérêt collectif quand cela s'avère nécessaire. Subséquemment, là où des mainmises commerciales nuisent à ce même intérêt commun sans que les politiques n'interviennent, cela veut dire que ce courage et cette volonté n'existent pas. CQFD.

03 mai 2006

Pour en finir avec le vivant gratuit

Je vous recommande la lecture et la diffusion la plus large possible de cet excellent article (cliquez le lien dans le titre) écrit pour "Le Monde" par Jean-Pierre Berlan, directeur de recherches à l'INRA (Institut national français de recherches en agronomie), un rien révolté contre la politique publique en matière d'OGM. Cela peut sembler une antienne un peu lassante, et ceux que cela arrange ne se font pas faute d'utiliser les grands moyens pour discréditer tout qui peut émettre l'ombre d'une critique (voir mon article du 24 mars ici-même, qui citait un extrait du texte de Berlan). Mais il faut dire les choses telles qu'elles sont: nous sommes à un tournant crucial de l'histoire du vivant, et si les citoyens libres n'en prennent pas conscience, l'humanité risque de s'en mordre les doigts. Ne venez pas dire que vous ne saviez pas.