24 novembre 2006

Volkswagen : pensez à l’action !

Klaus Volkert, l’ancien président du comité d’entreprise de VW qui a reçu 1,9 million d’euros (en black) de la direction des ressources humaines pour « maintenir la paix sociale » dans l’entreprise, peut se vanter d’avoir fait fort à Bruxelles. Certes, son pot-de-vin ne représente que, grosso modo, la valeur d’un an de salaire de 80 ouvriers de Forest. Certes, Volkert aura tout le loisir de méditer en prison sur la morale de l’histoire. Quant aux (encore) ouvriers et employés de VW à Forest, qu’ils ne s’en fassent pas pour leur marque favorite, créée par Hitler et Ferdinand Porsche en 1933 - pour des questions d’égalité sociale (déjà) (1). Elle se porte bien, avec un chiffre d’affaires de quelque 50 milliards d’euros et un bénéfice consolidé de l’ordre de 20 milliards (source : Transnationale.org).

Il ne leur reste plus qu’à investir leurs indemnités de licenciement dans l’action VW, qui va sûrement remonter en flèche ; pour autant qu’ils ne soient pas trop regardants sur l’éthique : selon Transnationale.org, en général très bien informé, la «voiture du peuple» ne crache pas sur les sociétés offshore, la petite criminalité financière, la corruption et les entorses au code du travail de l’OIT. Dans des proportions relativement médiocres il est vrai, qui la laissent loin derrière les champions de ce genre de sport (comme son compatriote Siemens, par exemple). Des broutilles, donc : ce qui compte, finalement, c’est le revenu de l’action. Le reste, c’est du blabla de syndicaliste.

(1) Porsche est toujours actionnaire de VW à 25%. On sait ce que fidélité veut dire !

http://www.transnationale.org

03 novembre 2006

L’Afrique s’enrichit ! Et vous ne le saviez pas ?

Dans un communiqué de presse diffusé le 30 octobre, la Banque mondiale se félicite des progrès accomplis par un certain nombre de pays africains ; l’Institution envisage même d’atteindre, dans ces pays, le premier des fameux Objectifs du Millénaire (1), qui vise à réduire de moitié la pauvreté d’ici à 2010. Et de mettre en avant les moteurs de ce progrès spectaculaire : une meilleure santé, un enseignement de meilleure qualité, une bonne croissance économique et la réduction de la pauvreté par le développement du commerce. Ça ne coûte rien de le dire, mais on connaît le mécanisme: des investissements massifs dans le commerce agricole d’exportation destiné au marché mondialisé, soutenus par la Banque mondiale; précisons, pour ceux qui l’ignorent encore, que l’octroi des subventions est soumis à quelques conditions, généralement liées à l’allégement des charges de l’Etat, notamment sociales et environnementales. La Banque Mondiale, dans son récent rapport «Doing Business 2007», dresse une liste des pays dans lesquels elle conseille aux entreprises d’investir. Question : selon quels critères ? Les mieux classés sont-ils ceux qui disposent de la main d’œuvre la mieux qualifiée, du meilleur réseau de transport, les meilleures matières premières, de la logistique la plus développée ? Réponse : pas du tout. Les mieux classés sont ceux dont les lois et les coûts sociaux sont les moins contraignants, voire inexistants (2). Comme le rappelle l’historien et politologue belge Eric Toussaint dans son ouvrage «La Finance contre les peuples» (CADTM/Syllepse/Cetim, 2004), il s’agit d’être lucide et de constater que le modèle de développement promu par la Banque mondiale et le FMI n’a pas permis une amélioration des conditions de vie des populations concernées (voir le désastre argentin). Le bilan humain et environnemental est sans appel : négatif. Avec à la tête de la Banque mondiale Paul Wolfowitz, promoteur de l’invasion de l’Irak et idéologue des néo-conservateurs aux Etats-Unis, on voit mal où se situerait le progrès.


L’autre vérité

Il est intéressant de mettre en parallèle l’autosatisfaction de la Banque Mondiale avec l’article paru le lendemain (31/10) dans Libé (page 11); une intéressante interview d’Aminata Traoré, ancienne ministre de la Culture du Mali, sous ce titre percutant: «En privilégiant le marché mondial, on va droit dans le mur».
Les humanistes qui s’intéressent à l’Afrique savent depuis longtemps que ce sont les cultures vivrières traditionnelles (et la restitution des richesses naturelles pillées par les colons) qui sortiront le continent de la spirale famine/pauvreté/dépendance. «Depuis des décennies, les pays du Nord disent aux pays africains de cesser de cultiver des céréales traditionnelles mais de produire en fonction du marché, relève Aminata Traoré. Avec l’aide de la FAO (Agence des Nations unies pour l’Agriculture et l’Alimentation), on a donc massivement investi dans la culture du coton au lieu de développer les cultures vivrières (3). Puis, les cours du coton se sont écroulés, puisque sur les conseils éclairés (et un léger chantage à la libération des fonds) de la Banque mondiale, la Chine, le Brésil, l’Inde et l’Ouzbékistan, entre autres, ont fait pareil. Résultat: le monde est inondé de coton, lequel ne vaut plus un kopek; les paysans maliens n’ont plus qu’à en manger au lieu du mil traditionnel. Et Aminata Traoré de conclure: « La FAO incite les pays africains à investir dans l’agriculture (4); mais laquelle? Une agriculture fondée sur la compétition mondiale ou sur l’écoute des Africains et de leur faim? Nous voulons une agriculture fondée sur la souveraineté alimentaire, c’est-à-dire le droit des Africains à choisir eux-mêmes ce qu’ils veulent produire et manger - à la place de cette prétendue «sécurité alimentaire» prônée par la FAO, qui vous incite à vendre pour acheter mais qui, en fait, vous ôte les moyens de vous nourrir.»

Vendre pour acheter, ça ne vous rappelle rien ? Ça ressemble pourtant fort au principe doctrinal de «croissance économique», censée créer de la richesse et des emplois - et qui démontre actuellement exactement le contraire. Et qui trouve-t-on derrière les pontes de la Banque mondiale ? Les semenciers OGM (5), dont le «succès» des plantations de coton transgénique en Inde a déjà poussé 600 agriculteurs au suicide (6) et endetté 43 millions d’autres paysans. Une paille…
Merci, Madame Traoré, d’avoir remis les pendules à l’heure. Puissiez-vous être entendue.

(1) http://www.un.org/french/millenniumgoals/
(2) http://www.doingbusiness.org/%5CDocuments%5COverviews_07%5CDB07OverviewFrench.pdf
(3) Comme les Soviétiques l’ont fait dans les années 1940 en Ouzbékistan, détournant le cours des fleuves Syr-Daria et Amou-Darila pour irriguer des régions inadaptées à ce type de culture, asséchant en 20 ans 90% de la mer d’Aral, 4e mer intérieure du monde, ruinant et polluant les populations de ces régions désormais désertiques et toxiques)
(4) http://www.fao.org/newsroom/FR/news/2006/1000286/index.htm
(5) http://www.grain.org/nfg/?id=417
(6) http://www.monde-solidaire.org/spip/article.php3?id_article=3350

10 septembre 2006

Le bon docteur Bourre… le mou !

Dans son N° 132, « Le Monde 2 » publie en double page une interview en forme de tribune de l’excellent Jean-Marie Bourre, expert, docteur, directeur de recherches à l’Inserm et membre de l’Académie de médecine (excusez du peu) sous le titre prometteur de « Bien manger pour bien penser ». L’article fait suite à la publication, par JMB, d’un ouvrage essentiel intitulé « Le Nouvelle diététique du cerveau » (Odile Jacob). L’expert en nutrition y stigmatise notamment les « terroristes alimentaires » et la « phobie du gras ». De quoi complaire à l’industrie agro-alimentaire avec laquelle, comme le rappelle fort opportunément « Le Canard » (30/08/06), le chercheur collabore régulièrement – ce que « Le Monde 2 » oublie de préciser.

Extraits choisis : « Si nous interdisons de manger des charcuteries à toute la population française, cela ne réduirait l’apparition de graisses saturées que de 6 à 8%. Les charcuteries, cette formidable invention de notre cerveau, contribuent assez modestement à la formation du cholestérol (…) Les recettes évoluant, les pâtés et saucissons se dégraissent, le saucisson sec et la saucisse sèche se dégustent sans problème. » Un argument que pourrait reprendre tel quel le Centre d’Information sur les Charcuteries dont – faut-il le dire ? - Bourre préside le comité scientifique.

Citons le « Canard » : « Si notre savant ne s’attarde guère sur les vertus des fruits et des légumes, il insiste, en revanche, sur celles des céréales, du blé dur et du pain. Normal, pour un membre du conseil d’experts de l’Association nationale de la meunerie française. De même, les coquillages et fruits de mer, riches en fer, iode, oméga 3, ont sa faveur. Le Comité scientifique de l’huître, dont il fait également partie, ne s’en plaindra pas. Mais le chercheur réserve son plaidoyer le plus vibrant à l’œuf, ce mal-aimé. "Aujourd’hui, l’œuf est très mal vu. Nous savons pourtant que le cholestérol est fabriqué à 75% par notre propre corps (…) et que l’œuf y contribue peu. Manger des œufs, une omelette aux cèpes, un œuf à la coque par jour, ce n’est pas s’empoisonner. L’œuf est riche en vitamines A, E, B12, en iode et en omega 3…". Ailleurs, dans un paragraphe sur les "nutriments essentiels", l’œuf est cité dans 7 des 10 familles d’aliments qui les fournissent. Surprise : Bourre est un expert attitré du Comité national pour la promotion de l’œuf. »

N’en jetez plus, la coque est pleine. Moralité : méfiez-vous des experts trop médiatisés. Et de la presse qui mange à tous les râteliers !

Plus d'infos?
http://www.fict.fr/cic/CIC/infos.htm
http://www.acomactive.info/nutri_flash/nutri_flashz.htm
http://www.alimentation-et-sante.com/dossiers/iaa3.htm
http://www.web-agri.fr/Outils/Fiches/FichesDetail.asp?idRub=203&id=30287

16 août 2006

Désillusion 1559

On reste perplexe devant la difficulté qu’éprouvent les Etats « de bonne volonté » à trouver les termes d’une résolution mettant fin à la guerre au Liban (cf les « efforts » franco-américains). Certes, avec un diplomate de la trempe de Douste-Blazy, il n’y a pas grand chose à espérer. Mais pourquoi chercher midi à quatorze heures ? Car il suffirait, comme le rappelle fort à propos Philippe Thureau-Dangin, éditorialiste de Courrier International (3/8/06), d’appliquer la résolution 1559 du Conseil de sécurité des Nations unies pour régler définitivement le conflit. Bon, celle-ci date de 2004 et personne ne veut s’en souvenir ; elle stipule cependant clairement que toutes les forces, milices et pouvoirs non démocratiquement élus doivent être désarmés et se retirer du Liban. Peut-on être plus clair ? On rétorquera que c’est bien la preuve que l’ONU n’a aucun pouvoir. Faux : l’ONU dispose de tous les pouvoirs que les Nations veulent bien lui donner – et, notamment, celles à qui la guerre profite. Par exemple : les Etats-Unis (armes), la Russie (armes) et la France (BTP). Après les combats, la reconstruction peut commencer. CQFD.

http://www.ambafrance-lb.org/article.php3?id_article=271

11 août 2006

Textile : les caves se rebiffent

Travailler 12 heures par jour minimum dans des réduits obscurs pour fabriquer des produits H&M, Adidas, Nike, Zara, Walmart, Naf Naf, Pierre Cardin ou Reebok – pour 10 euros par mois (non indexé depuis 12 ans…) : tel est le sort de 2 millions de travailleurs bengladais (entre autres), dans les célèbres « sweatshops » jadis dénoncés par Naomi Klein dans son livre « No Logo ». Pas de lois sociales, pas de syndicat, pas d’heures sup’, et pour beaucoup une cécité précoce qui les éjecte de facto du monde du travail. Mais à l’image du capital est-asiatique conquérant, les « travailleurs de la sueur » se révoltent. Depuis 3 mois, les mutineries se multiplient dans ces ateliers insalubres, alimentées par les menaces de licenciements et de violences à l’égard de ceux qui ont voulu créer des structures syndicales (comme dans l’usine de Panarub, où se fabriquent les chaussures de Zidane et Beckham). Des milliers d’ouvriers à bout de nerfs ont saccagé une usine en mai dernier à Sarvar. En juin, c’est dans la zone franche de Dacca qu’ont éclaté de nouvelles révoltes. Avec à la clé, une répression faisant un mort et des centaines de blessés. A rajouter aux centaines d’ouvriers morts dans les incendies d’usine, faute d’une issue de secours. L’accord intervenu récemment pour faire respecter les réglementations de l’OIT déjà prévues dans la loi bengladaise (mais qui n’avaient jamais été appliquées), est une première conquête. Aujourd’hui, il arrive que les heures supplémentaires soient payées et certaines ouvrières ont même droit à un jour de congé payé.
Des entreprises occidentales, comme Nike, prennent enfin conscience de l’indécence de continuer à exploiter cette main d’œuvre sans défense et tentent d’assouplir la condition des ouvriers ; reste à convaincre les patrons locaux, qui trouvent leur compte dans cette sous-traitance massive à prix (et destins) cassés.

(source des infos: Libé)

Pour en savoir plus: http://www.vetementspropres.be/

02 août 2006

Mesurer l'impact sur l'effet de serre

(source: Radio Canada) Une invention de David Risk, chercheur canadien, permettra de mesurer avec plus de précision les quantités de gaz à effet de serre qui se dégagent du sol des forêts. Il pourra ainsi mieux conseiller les entreprises forestières pour les aider à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
Le sol des forêts emmagasine cinq fois plus de gaz carbonique que les arbres, et ce, pendant plus longtemps. David Risk souligne que dans la région, la durée de vie moyenne d'une forêt est de 50 ans. Quant au gaz carbonique présent dans le sol, il peut y demeurer pendant des centaines, voire des milliers d'années.
Vu la grande superficie des forêts en zone Atlantique, il est important, selon M. Risk, de maximiser l'efficacité de ces puits de carbone souterrains.

Grâce à un instrument qu'il a inventé et breveté en partenariat avec l'université, il parvient à calculer avec précision les quantités de gaz à effet de serre rejetées par le sol. Cela lui permet d'évaluer quel type de gestion forestière réduit le plus ces émissions. Il conclut déjà qu'il faut éviter la coupe à blanc.
En été, on peut constater une différence de 10 degrés entre le sol d'une forêt coupée à blanc et celui d'une forêt intacte. Cette chaleur accélère l'action des bactéries qui décomposent les matières organiques en émettant du gaz carbonique.
David Risk a pris des mesures de différentes capacités d'entreposage du sol. Il élabore maintenant un modèle qui lui permettra de transposer ces calculs à l'ensemble de la région atlantique.

10 juillet 2006

Coup de Zizou

Toute la planète s’interroge : comment Zidane, le joueur repère de l’équipe de France, a-t-il pu péter les plombs à ce point et qui plus est, à un instant aussi symboliquement chargé ? Précipitant la défaite de son pays et gâchant du même coup sa sortie (dixit la presse) ? Les insultes de Materazzi (monnaie courante dans le foot) ne peuvent expliquer un geste d’une telle portée médiatique.

Osons une hypothèse et entrouvrons la porte du subconscient de Zizou; «Vous m’avez érigé en Stakhanov de l’intégration des minorités par le sport. Par l’entremise de l’équipe Black Blanc Beur, cette intégration a fait rêver pendant 20 ans d’une société égalitaire et multiculturelle – habilement exploitée par les politiques. Mais regardez la réalité : cette utopie-là n’existe pas. Le racisme et l’exclusion sont le lot quotidien de mes frères blacks et beurs. Et moi, "Yazid" comme on m’appelle dans mon quartier natal de la Castellane, je ne veux pas, je ne peux pas, être l’instrument par lequel passera ce mensonge institutionnel. Cette équipe de France où les minorités sont majoritaires et triomphantes n’est pas l’équipe de la France. Elle ne doit pas gagner. Elle ne doit pas tisser un décor factice sur une réalité à cacher. Monsieur le Président, à l’heure de ma sortie, moi, Zinedine Zidane, 34 ans de bons et loyaux services dans les mines d’or de l’Empire français et d’Adidas, j’ai bien l’honneur de vous faire savoir, ainsi qu’au monde entier, que je ne suis pas ce que vous voulez que je sois. Au nom de la Castellane, des Minguettes, des Mureaux, du Val Fourré et de tous les autres ghettos laissés pour compte, je déclare solennellement que je reste un sauvageon. Et donc, un exclu.» Dont acte.

(Sur une idée de Sylvie Lausberg)

22 juin 2006

La taxe Tobback

M. Bruno Tobback, ministre belge des Pensions (socialiste), promet un petit bonus aux pensionnés pour 2007. Tout en annonçant (RTBF 21/6, 8h45) que le cadeau, même s’il dure quelques années, se verra immanquablement rattrapé par « le coût du vieillissement ». Ce qui est une façon d’inciter les futurs pensionnés à souscrire une assurance complémentaire dans le privé – le vieux rêve libéral.
Selon cette doxa, c’en est bien fini de la retraite par solidarité ; les cotisations des braves actifs toujours moins nombreux ne pourront plus financer la pension des inactifs qui, en plus, vivent de plus en plus longtemps. Le calcul est évidemment simple… mais simpliste. De l’argent, il y en a pléthore. Mais il est ailleurs.
Des milliards d’euros de revenus générés par les transactions financières et des opérations spéculatives ne sont pas taxés et échappent chaque année à la solidarité nationale. Voici une belle occasion pour un jeune ministre qu’on suppose ambitieux de transformer la taxe Tobin en… taxe Tobback. Et de sauver ainsi notre vieux système de retraite, l’un des fondements de notre justice sociale.

15 juin 2006

Outrage à patron

Bernard Anselme semble faire des émules… Ainsi, Karel Vinck, dont nul n’ignore le cursus patronal (Eternit, Bekaert, Umicore, SNCB, FEB) se dit outré que la presse se fasse l’écho d’une condamnation qu’il a subie en Italie, à titre d’administrateur-délégué d’Eternit, pour homicide involontaire suite la contamination par l’amiante de plusieurs ouvriers morts de mésothéliome, un cancer spécifiquement lié à la fibre d’asbeste. Et de déclarer pour sa défense qu’à l’époque (de 1973 à 1975), il ignorait tout des dangers de l’amiante. «J'ai toujours agi en toute bonne foi, en prenant les décisions qui s'imposaient sur base de l'information médicale qui était à ma disposition à l'époque des faits», déclare Karel Vinck dans « La Libre » de ce jour. Fort bien.

Sauf que… Sauf que Monsieur Vinck nous prend pour des imbéciles. Un patron maniant de l’amiante dans les années 1970 ne pouvait pas ignorer que la nocivité de cette substance est connue depuis le début du siècle. A cette époque on enregistrait déjà un grand nombre de décès parmi les travailleurs de l’industrie de l’amiante. C'est dans les années 1930 que l'on a commencé à suspecter son caractère cancérigène. En 1955, l'enquête épidémiologique de Richard Doll dans une usine textile d'Angleterre apporte la preuve du lien entre exposition à l'amiante et cancer du poumon. Pour le mésothéliome, c'est en 1960 que Wagner établit le lien entre l'amiante et cette maladie. Son étude portait sur 33 cas de mésothéliomes provenant pour la plupart de la zone de la province du Cap, en Afrique du Sud, où était exploitée une mine de crocidolite : parmi ceux-ci, 28 concernaient des personnes ayant travaillé dans la mine ou ayant vécu à proximité. Ce n’est pas un mystère que l’industrie a tout fait à l’époque pour que ces études ne soient pas diffusées. Mais les industriels du secteur étaient les premiers informés ! Monsieur Vinck veut nous faire croire qu’il n’était pas au courant : il faut en conclure qu’il exerçait donc de façon irresponsable un métier qu’il ne maîtrisait pas; s’il « ne savait pas », qu’il reconnaisse au vu de ce qui précède qu’il aurait dû savoir et qu’il cède tous les émoluments perçus lors de son passage chez Eternit aux familles des victimes.

Au lieu de s’offusquer que la presse révèle ce qu’il aurait bien voulu garder caché, M. Vinck ferait mieux de reconnaître ses torts ; ça le grandirait. Je suis prêt à parier qu’il ne prendra pas le risque de se ridiculiser davantage en déposant plainte contre Knack comme il en émet aujourd’hui l’idée dans un piteux contre-feu. Et félicitons la justice italienne d’avoir reconnu le tort causé aux travailleurs en condamnant les responsables, chose que la justice internationale ne s’est toujours pas résolue à faire à l’égard notamment de Saint-Gobain, malgré le dépôt de plusieurs milliers de plaintes (lire à ce propos : http://www.monde-diplomatique.fr/2000/06/HERMAN/13926.html ). On estime qu’à ce jour, alors que Karel Vinck s’offusque, 500.000 personnes se savent condamnées à mourir à plus ou moins court terme des suites de l’exposition à l’amiante. Ambiance dans les chaumières ! Le plus souvent, dans un dénuement total, puisqu’ils ne reçoivent aucune indemnité d’invalides. Et ce, alors que Saint-Gobain annonce des bénéfices records. Pendant l’agonie, les affaires continuent.

Voir aussi http://andeva.free.fr/

01 juin 2006

Antimoine, plomb et cadmium: vive l'eau pure!

Ne comptez pas sur Danone ou Nestlé pour vous le dire: une analyse réalisée par l'Université de Heidelberg démontre que les eaux contenues dans des bouteilles en plastiques contiennent 95 à 165 fois plus d'antimoine (un composant minéral toxique) que l'eau à la source (Le Canard Enchaîné, 31 mai).
"La raison? L'antimoine est utilisé en tant que fixateur dans la fabrication des bouteilles en plastique, et, comme tous les autres ingrédients du plastique, il migre allègrement dans la flotte. Plus l'eau reste enfermée longtemps dans la bouteille, plus elle contient d'antimoine. Certes, les quantités trouvées par les chercheurs allemands sont 10 fois inférieures à la limite autorisée; il n'empêche, on ne sait pas grand chose de l'effet sur notre organisme d'une l'ingestion chronique de petites doses.
Etant entendu que l'on compte jusqu'à 150 composants différents dans le plastique des bouteilles, parmi lesquels du plomb et du cadmium (utilisé pour colorer le plastique en rouge), et que tout sont plus ou moins relargués, on comprend enfin pourquoi l'eau minérale est près de 300 fois plus chère que l'eau du robinet: c'est grâce à tous ces petits rajouts!"
Voilà qui est ragoûtant.

31 mai 2006

Aux innocents les mains pleines

On croyait avoir touché le fond du cynisme politique crétin en entendant Jean-Marie Happart déclarer avec un aplomb sidérant qu’il avait signé, avec le philanthrope Bernie Ecclestone, un contrat engageant la Région wallonne à Francorchamps pour 12 millions d’euros (par an) sans l’avoir lu «parce qu’il ne connaît pas l’anglais». Eh bien non: il nous restait à entendre Bernard Anselme (RTBF radio, journal de 17 heures), à propos de l’octroi à la SOTEGEC, société de sa compagne par ailleurs présidente de la Commission Consultative d'Aménagement du Territoire de Namur, d’un quart des marchés publics d'urbanisme de la capitale wallonne (dont il est bourgmestre) : «je n’ai jamais pensé qu’il pouvait y avoir là un conflit d’intérêt». Mieux vaut entendre ça que d'être sourd ? Voire. Je crois qu’il vaut mieux être sourd qu’entendre un élu du peuple proclamer qu’il n’a aucune réflexion éthique par rapport à ses responsabilités publiques. Et c’est exactement ce que fait Bernard Anselme. Un type qui, pour se dédouaner, se prétend incapable de discerner un conflit d’intérêts aussi énorme n’a plus qu’une chose à faire : démissionner dans la minute. La minute est largement passée et Anselme, l'homme qui ne pense pas, est toujours en poste. Honte, honte, honte !

Bibendum mergitur

Que le patron d’une usine de pneus meure noyé est assez insolite. Dans l’imaginaire collectif, la chambre à air est plutôt assimilée à une bouée de sauvetage. Pourtant, Edouard Michelin était assez gonflé. En 1999, Michelin a publié des bénéfices semestriels en hausse de 20%, en même temps qu'il annonçait 7500 suppressions d'emplois – et l’action avait bondi de 12%. A l’époque, le gouvernement Jospin (vous savez, celui selon lequel «l’Etat ne peut pas tout») s’était fendu d’une loi contre les «licenciements boursiers» afin de faire retomber la pression. Le but n’est pas ici de se gausser de la mort d’un homme. Mais finalement, quelle belle fin pour un marchand de pneus que de se noyer lors d’une pêche au bar. Au fait, combien de bars, la pression sociale ?

16 mai 2006

Bourse: tabou de souffle

Il est des débats que la grande presse se garde bien d'ouvrir. Il y a pourtant matière à réflexion, à l'heure où l'on fustige le rôle délétère des actionnaires dans la pression au bénéfice "à deux chiffres" exercée sur les entreprises, cause des "licenciements économiques", des "délocalisations sauvages", de la précarisation du travail et de l'exploitation de mains d'oeuvre "à bon marché" sans aucune protection sociale. Sans oublier les "externalités" telles que la pollution, l'exportation illégale de déchets, les économies sur la sécurité...
Il y aurait bien une solution qui supprimerait le pouvoir exorbitant des fonds de pension anglo-saxons, l'exploitation systématique des plus faibles et les flux financiers colossaux non soumis à l'impôt sur le revenu; avec à la clé, un effet sans doute positif sur l'emploi: supprimer la Bourse.
La Bourse, ennemi numéro 1 d'un développement économique et social durable? Il suffisait d'y penser... Plus que jamais, dans les prochaines décennies, ce sera "la Bourse ou la vie". Osons donc un choix. Et ce n'est pas de l'anticapitalisme primaire: de plus en plus d'entreprises décident d'elles-mêmes de se retirer de la Bourse pour conserver leur autonomie. Des sociétés familiales qui veulent le rester ou des entreprises dont l'actionnariat est hyper éclaté et qui constituent une proie facile pour le premier raider venu. L'avenir montrera que la Bourse est un système amoral qui ne sert plus l'intérêt que d'une infime minorité de citoyens, et certainement pas celui des consommateurs, des travailleurs, du Tiers monde ni même des épargnants.

Le sondage qui tue

Selon un sondage de VTM (15/5), 45% des Flamands estiment que le Vlaams Belang/Blok n'a aucune responsabilité morale dans le triple crime raciste d'Anvers. Alors même que le coupable est le fils d'un militant de ce "parti" fasciste et raciste. Un tel aveuglement est absolument terrifiant.
Qu'avons-nous encore à voir avec ces gens-là? Au moins les choses sont claires; les Flamands veulent un Etat nationaliste ? Qu'on le leur donne et bon vent.

Pas clair, le flux d'infos

Dans l'affaire Clearstream, on nous prend vraiment pour des cons. Il suffit d'avoir lu l'enquête de Denis Robert, intitulée Revelation$, pour savoir qu'il est impossible pour une personne physique de posséder un compte à son nom dans cet établissement. Statutairement, les seuls clients de Clearstream ne peuvent être que des institutions financières (banques, agents de change, assureurs...). Et l'enquête de Robert souligne déjà comme une grave dérive la présence, dans les listings de titulaire de comptes dits "non publiés" (tout un programme), de multinationales qui, comme Siemens, Daewoo ou Air Liquide par exemple, n'ont a priori aucune activité purement financière, mais possèdent des avoirs dans la plupart des paradis fiscaux (et donc des flux à éclaircir).
L'unité comptable chez Clearstream étant le million de dollars, voire le milliard, même les mieux lotis des bénéficiaires français d'éventuelles rétrocommissions n'ont aucune chance d'y ouvir un compte. Que dire alors de Sarko, Fabius, DSK ou Chevènement? La ficelle est grosse comme une sardine marseillaise; est-ce pour cela qu'on nous en sert des tonnes?

07 mai 2006

Courage politique et bien commun

La nationalisation de l'exploitation gazière et pétrolière en Bolivie démontre que la volonté et le courage politiques permettent de faire échec à la toute-puissance du marché au profit de l'intérêt collectif quand cela s'avère nécessaire. Subséquemment, là où des mainmises commerciales nuisent à ce même intérêt commun sans que les politiques n'interviennent, cela veut dire que ce courage et cette volonté n'existent pas. CQFD.

03 mai 2006

Pour en finir avec le vivant gratuit

Je vous recommande la lecture et la diffusion la plus large possible de cet excellent article (cliquez le lien dans le titre) écrit pour "Le Monde" par Jean-Pierre Berlan, directeur de recherches à l'INRA (Institut national français de recherches en agronomie), un rien révolté contre la politique publique en matière d'OGM. Cela peut sembler une antienne un peu lassante, et ceux que cela arrange ne se font pas faute d'utiliser les grands moyens pour discréditer tout qui peut émettre l'ombre d'une critique (voir mon article du 24 mars ici-même, qui citait un extrait du texte de Berlan). Mais il faut dire les choses telles qu'elles sont: nous sommes à un tournant crucial de l'histoire du vivant, et si les citoyens libres n'en prennent pas conscience, l'humanité risque de s'en mordre les doigts. Ne venez pas dire que vous ne saviez pas.

27 avril 2006

Le Pen n'est pas d'extreme-droite.

Marine Le Pen chez Arlette Chabot sur France 2: "Arrêtez de dire que nous sommes d'extrême-droite".
Elle a raison: ils sont national-socialistes.

Diamond parachute

Pendant que le bon peuple tord sa carte de paiement à la pompe jusqu'au dernier cent pour se rendre à son travail précaire, les firmes pétrolières engrangent des bénéfices records. Même la très capitaliste Amérique s'émeut devant ce qu'elle commence à trouver "indécent". L'ancien patron d'Exxon, celui-là même qui affirmait que "rien ne prouve que l'industrie pétrolière soit pour quelque chose dans l'augmentation de l'effet de serre", a reçu pour cadeau de départ un chèque de... 400 millions de dollars (source: RTL), stock options non compris. Un bel exemple d'une "séparabilité" bien tempérée, qu'apprécieront à sa juste valeur les 2300 ouvriers de Peugeot à Ryton (UK), souvent désignés comme des modèles de flexibilité et priés aujourd'hui de prendre leurs cliques et leurs claques et d'aller flexibiliser ailleurs. Commentaire de ce farceur de Tony Blair (Le Canard, 26/4) : "Il est inévitable que de temps en temps, il y ait des pertes...". Comme chez Exxon?

Croissance = emploi (2) ?

Comme par un fait exprès (voir ci-dessous), Le Soir publie le 25/4, sous le titre bigrement bucolique "Le ciel économique est bleu", le constat de la Banque nationale selon lequel le "moral des entrepreneurs" est au beau fixe. L'expert Vincent Bodart, de l'Institut de Conjoncture de LLN (IRES), n'hésite pas à se jeter à l'eau; tablant sur une croissance économique de 2,8% pour les prochains mois, il affirme que "ce dynamisme devrait se traduire sur le marché de l'emploi". On va enfin pouvoir vérifier la logique de notre économie de croissance. L'IRES prévoit en effet la création de 43.000 emplois avant la fin de l'année, ce qui, au travers d'un savant calcul, donne 11.000 chômeurs de moins fin décembre (je suppose qu'il faut pondérer avec les départs en retraite naturels liés au vieillissement de la population). Mieux: l'Allemagne surferait également sur cette vague prometteuse, ce qui permettra, l'échéance venue, d'élargir l'univers de référence de cette intéressante analyse. Enfin, du concret! Rendez-vous en décembre pour le dénombrement.

23 avril 2006

Croissance = emploi ?

Quand j’entends dire que pour stimuler l’emploi, il faut relancer la croissance, je suis toujours un peu perplexe. Relancer la croissance est une chose ; on ne doute pas que cela puisse avoir une incidence positive sur les bénéfices des entreprises, les dividendes des actionnaires, voire sur la balance commerciale du pays. Mais sur l’emploi, cela reste à démontrer. Qu’on ne vienne pas me dire qu’il suffise que la croissance économique reparte à la hausse pour que soudain, les entreprises engagent à tour de bras. De nombreux exemples montrent que c’est loin d’être automatique. Alors, qui peut me faire une démonstration scientifiquement prouvée que l’emploi est automatiquement relancé par une augmentation de la croissance ? J’attends. Faute d’un résultat probant, il faudra bien se poser quelques questions sur la façon dont nous gérons notre société.

19 avril 2006

Médicaments génériques : l’Inde à l’attaque

Il n’y a pas que l'acier : les laboratoires indiens spécialisés en génériques font main basse sur les labos européens. C’est ainsi que Dr. Reddy’s a raflé la mise en s’offrant l’Allemand Betapharm (4e génériqueur mondial) pour 480 millions de dollars cash, au nez et à la barbe du leader mondial Teva (Israël) et du N°1 indien Ranbaxy. Un autre génériqueur indien, Matrix, avait déjà empoché le pionnier belge Docpharma pour 280 millions de dollars. L’appétit des Indiens semble insatiable, mais attention : Teva, tapi dans l’ombre, n’a pas dit son dernier mot et pourrait bien croquer l’indien Cipla, voire Ranbaxy soi-même. Dans l’arène aux gladiateurs de l’OPA hostile, mieux vaut ne pas avoir le dos tourné : Arcelor, tout à la joie en janvier d’avoir happé le Canadien Dofasco sous le nez de l’Allemand ThyssenKrupp, en sait quelque chose, qui n’a pas vu arriver Mittal. Du coup, ThyssenKrupp, qui a habilement noué un accord avec Mittal, pourrait récupérer Dofasco à vil prix après que Mittal eût avalé Arcelor. Les actionnaires comptent les points et rongent leur frein. Pour le scénario du film, ça s’annonce très serré entre Hollywood, Cinecitta et… Bollywood!

14 avril 2006

Il est venu le temps des PME…

Dans la course actuelle au profit maximum, celui d’actionnaires aux exigences sans commune mesure avec la réalité économique, quelle confiance les entreprises peuvent-elles encore se faire l’une l’autre ?

Je ne veux pas parler des trahisons, des ruptures de contrat unilatérales, de l’espionnage industriel ou des OPA hostiles. Cela fait aujourd’hui partie intégrante du business – c’est moche mais c’est comme ça.

Plus inquiétant est, à mon sens, le fait que la valeur financière l’emporte désormais sur le produit. Autrement dit, le montant des dividendes de l’action compte davantage que la satisfaction du client. Les actionnaires veulent du profit, et vite. Qu’importe si, pour y parvenir, il faut diminuer les coûts de production et, partant, la qualité, le personnel, etc.

Sur base de ce postulat, imaginons que je suis la firme A, qui souhaite acheter des matières premières ou des services chez B. Sachant B astreint à des performances financières très élevées, ai-je encore intérêt à acheter chez B ? Ce que me fournit B ne risque-t-il pas d’affaiblir ma propre offre ? Ne ferais-je pas mieux d’acheter tout cela chez X, Y et Z, qui ne sont pas côtés en Bourse, et dont la direction et les salariés ont comme moteur la qualité du service ou du produit vendu ?

Cette nouvelle donne pourrait donner à réfléchir et, à terme, booster les PME et les microentreprises; elles qui, en général, assurent une production ou un service personnalisé à leurs clients pour un coût nettement inférieur à celui des grosses structures - chez lesquelles le «return on investment» des actionnaires et le «golden parachute» des dirigeants se retrouvent, forcément, sur la facture du client…

04 avril 2006

Vive la liberté d'informer

Entrefilet dans l'édition du 3 avril de Libé, page 20: "Canal+ suspend ses publicités dans l'Equipe". Pourquoi? Parce que le quotidien sportif a osé publier un reportage sur les turpitudes du PSG, dont C+ est propriétaire et principal sponsor. A part ça, la liberté d'informer est totale dans nos contrées et toute suspicion de tentative d'intimidation de la part du monde économique sur la presse, notamment par le chantage à la publicité, relève du fantasme paranoïaque. Qui en doutait?

01 avril 2006

Bonne nouvelle pour les malades!

En ce week-end de Télévie (en Belgique) et de Sidaction (en France), le scoop mérite d’être ébruité : un grand labo pharmaceutique américano-européen s’apprête à lancer LE vaccin qu’attendent des dizaines de millions de gens. Un exploit scientifique à n’en point douter, lequel pourrait valoir – qui sait ? le Nobel à ses concepteurs. J’entends déjà la multitude des malades se déboucher les oreilles et se pincer pour ne pas rêver. « The big disease with a little name » (dixit Prince) enfin vaincue... Les 30 millions d’Africains promis à une mort inéluctable dans les 10 prochaines années peuvent entrevoir une lueur d’espoir et se dire qu’après avoir servi de cobayes aux apprentis sorciers du médicament, ils vont enfin pouvoir en récolter quelques avantages.

Poisson d’avril !

Le vaccin en question concerne la forme humaine de la grippe aviaire. Une vraie priorité : déjà 100 morts dans le monde en 5 ans. Et des ventes mirobolantes assurées grâce à une formidable campagne de sensibilisation orchestrée par les médias. Autres grands bénéficiaires : les industriels de la volaille (22 poulets au mètre carré) dont le chiffre d’affaires est en chute libre et qui vont pouvoir enfin réassortir les linéaires de leurs zoziaux gavés de farine de poisson et d’antibiotiques (plusieurs dizaines de tonnes par an en France, sur 1300 tonnes annuelles à usage vétérinaire). Cette filière aviaire qui fournit, subséquemment, de gros clients à l’industrie pharmaceutique, mais ceci n’a évidemment rien à voir.

Désolé pour ceux qui ont cru un instant que le grand jour était arrivé. Pour le dindon, le poisson est souvent une mauvaise farce.

31 mars 2006

Espérance de vie

Ce qui est bien avec « Le Canard Enchaîné », c’est qu’on en a pour son argent. Ainsi je tombe, in extremis, sur un article de l’excellent Jean-Luc Porquet qui m’avait échappé dans le numéro du 22 mars 2006, sous le titre « Faire ou ne pas faire de vieux os ». Cela concerne un livre d’un certain Claude Aubert, intitulé « Espérance de vie, la fin des illusions » (Terre Vivante). Ce qui est moins bien avec « Le Canard », c’est qu’ils n’ont pas d’édition en ligne et que je vais donc devoir recopier cet article in extenso. Mais que ne ferais-je pas pour vous ?... et surtout, pour souligner comme il se doit cet aspect d’un progrès présenté comme mathématique et qui porte, en fait, les germes de sa propre annulation… Mais lisez plutôt :
« Chaque année depuis plus d’un siècle nous gagnons deux à trois mois d’expérance de vie (77 ans pour les hommes et 84 ans pour les femmes aujourd’hui). Et ça ne devrait pas s’arrêter de sitôt : en 2090, les démographes de l’INED nous le promettent, nous autres Français ne nous permettrons de trépasser qu’à 90 ans. Génial, non ?
Claude Aubert ne partage pas ce rêve. Ingénieur agronome, pionnier de l’agriculture biologique, il pense qu’il est erroné de prolonger la courbe ascendante, et l’affirme dans ce livre iconoclaste : si nous continuons ainsi, nous vivrons moins longtemps que nos parents. Sans effets de manches ni stridences, il note que nous sommes au croisement de deux courbes : celle, descendante, de la mortalité infantile, des morts par maladies infectieuses et cardio-vasculaires ; et celle, ascendante, de la mortalité due aux pathologies induites par le mode de vie moderne. L’espérance de vie, remarque-t-il, dépend dans une large mesure des conditions du développement du fœtus et du très jeune enfant. Or, la longévité qu’on observe aujourd’hui concerne des personnes nées dans le premier tiers du XXe siècle, à une époque où "le tabagisme était beaucoup moins répandu qu’aujourd’hui, inexistant chez les femmes, l’obésité exceptionnelle, et la pollution chimique, limitée aux sites industriels, ne concernait qu’une petite fraction de la population". Aujourd’hui, c’est le contraire.
Le tabagisme : la lutte a beau être engagée, c’est maintenant que les fumeurs paient l’addition, et nous sommes en route vers les 160.000 morts par an (en France, ndlr). L’obésité : due à la malbouffe, la télé et la sédentarité, elle est devenue un vrai fléau, qui fait notamment exploser le nombre de diabètes mortels. La chimie : les enfants sont le cible privilégiée des molécules chimiques balancées dans l’environnement ; c’est dans leur sang ou leur urine que l’on trouve par exemple les quantités les plus élevées de retardateurs de flammes, de bisphénol A et de muscs artificiels (parmi les 200 polluants chimiques retrouvés dans leur corps), et seuls les naïfs s’imaginent qu’il n’en résulterait aucun impact sanitaire à long terme.
Pour conclure, Aubert annonce que nous entrons dans un monde de malades chroniques (déjà 15 millions de Français !), et après avoir distribué quelques conseils de base dit qu’il aimerait se tromper. Nous aussi… »
Voilà ; si vous avez tablé sur 99 ans de vie dans votre plan de carrière, passez vite un check up et refaites vos calculs.

24 mars 2006

OGM : de gré ou de force.

La discussion (?) qui se déroule actuellement en France sur la levée du moratoire sur les OGM a au moins ce mérite : elle démontre la stratégie de harcèlement (on ne peut même plus parler de lobbying) menée par les semenciers pour parvenir à obtenir ce que tous les démocrates affirment depuis toujours non négociable: le brevet sur le vivant. Pour avoir moi-même assisté à un « colloque » chez l’un d’entre eux, et entendu les discours des scientifiques qui leur servent de caution, je peux vous certifier qu’on a affaire à des pros qui ne sont pas près de lâcher le bout de gras (un sacré but de gras). Habiles, les multinationales de la graine privée ont placé le débat sur l’innocuité des OGM, qu’elles se font fort de démontrer (en ne publiant que les études qui les arrangent et en plaçant celles qui les dérangent sous le sceau du « secret industriel », notamment celle qui démontre une altération de la composition sanguine chez le rat nourri au maïs transgénique). Alors que le vrai débat est évidemment ailleurs : à quoi servent les OGM, sinon à enrichir au-delà de toute raison et ad vitam aeternam une poignée d’entreprises sans scrupule ? A rien. En tout cas, rien qui n’ait été démontré et qui soit effectivement utile à l’homme dans sa lutte contre la faim. Je ne vais pas vous fatiguer avec une longue démonstration : ce qu’en dit G.-E. Séralini, expert en OGM pour le gouvernement français et l’UE (Libé, 21/3) en atteste à suffisance: « Après 10 ans d’existence, ils nourrissent les vaches des pays riches, pas les enfants des pays pauvres ». Quant au législateur, il se moque ouvertement du monde : tolérer (au nom de la dissémination « fortuite ») 0,9% d’OGM dans les produits labellisés « bio » est une scandaleuse pantalonnade, une de plus en la matière, et qui vise, selon les termes de Jean-Pierre Berlan, directeur des recherches de l’Institut National de Recherche Agronomique (peu suspect d’agit’prop’), à « euthanasier l’agriculture biologique, dont le seul tort est d’utiliser la gratuité de la nature plutôt que les pétro-impétrants ruineux pour les humains, les sols, l’eau, bref, notre milieu de vie. » (Le Canard enchaîné, 22/3).
Un marché captif de 6,5 milliards de consommateurs, quel industriel n’en rêverait ? Les élus de nos nations sont en train de l’offrir sur un plateau, aides financières à l’appui, notamment à Monsanto, génial inventeur du napalm (qui n’a laissé que de bons souvenirs au Vietnam) et à Bayer qui, au sein du consortium IG Farben, a mis au point le célèbre et hilarant gaz Zyklon B qui a démontré toute son efficacité à Auschwitz et Birkenau. Encore bravo, et surtout merci.

08 mars 2006

Grippe aviaire: le verso de l'info

Selon l'ONG "Grain", l'origine de l'épizootie du H5N1 ne fait pas de mystère, mais la réalité ne plaît guère aux lobbies de l'agro-alimentaire:

"Ce n'est pas la volaille de basse-cour ou la volaille élevée en plein air qui alimente la vague actuelle de cas de grippe aviaire sévissant dans plusieurs endroits du monde.
La souche mortelle H5N1 de la grippe aviaire est essentiellement un problème de pratiques d'élevage de volaille industrielles. Son épicentre se trouve dans les fermes d'élevage industriel de Chine et d'Asie du sud-est et -- alors que les oiseaux sauvages peuvent transporter la maladie, au moins sur de courtes distances -- son vecteur principal est l'industrie avicole multinationale extrêmement automatisée qui envoie ses produits et les déchets de ses élevages autour du monde par une multitude de canaux.
Les petits éleveurs de volaille et la diversité biologique ainsi que la sécurité alimentaire locale qu'ils soutiennent souffrent pourtant sévèrement des retombées de cette crise. Et, pour aggraver les choses, les gouvernements et les organismes internationaux, suivant les hypothèses éronnées sur la manière dont la maladie se répand et s'amplifie, continuent à prendre des mesures pour imposer le confinement et poussent à industrialiser davantage le secteur avicole. Dans la pratique, ceci signifie la fin de l'aviculture à petite échelle qui fournit la nourriture et les moyens d'existence à des centaines de millions de familles à travers le monde.
Cet article apporte une nouvelle perspective sur l'histoire de la grippe aviaire qui conteste les hypothèses actuelles et remet les projecteurs là où ils devraient être : sur l'industrie multinationale de la volaille."

Voir les infos sur http://www.grain.org/front/

Colloque pour un monde meilleur

Le premier colloque du Collège de France à l'étranger a lieu ces 7 et 8 mars à Bruxelles, sur le thème: "Un monde meilleur pour tous : projet réaliste ou insensé ?" Une brochette de scientifiques et d'acteurs économiques se penche sur la notion de progrès et de recherche utile au bien-être humain. Co-animé par l'ULB et l'UCL. Public admis. On attend les actes du colloque, puis les actes posés par les... acteurs.

01 mars 2006

L'armée US blanchit Halliburton

Malgré une enquête menée par le Pentagone sur les surfacturations, par une filiale d'Halliburton, de ses services à l'armée US en Irak, sur fond de corruption, l'US Army a décidé de payer à l'ancienne société du vice-président Dick Cheney plus de 96% des sommes faisant l'objet du litige. Une paille de 250 millions de dollars, qui vient s'ajouter aux 2,4 milliards de dollars du contrat initial attribué en 2003 à KBR, sans appel d'offres, pour la remise en état de l'exploitation pétrolière en Irak. Au total, Halliburton et ses filiales ont empoché la moitié des montants investis dans le pétrole depuis l'invasion de l'Irak, soit 11 milliards de dollars. Le Pentagone fait un peu la tête, ainsi que le contribuable américain, prié de payer la note. Voir http://www.wsws.org/articles/2006/mar2006/hall-m01.shtml

500 millions contre la grippe aviaire

La Banque mondiale a annoncé lundi avoir libéré une enveloppe de 500 millions de dollars pour l'aide à la lutte contre la grippe avaire dans les pays les plus démunis. Premiers bénéficiaires: le Nigéria et le Kirghyzstan (50 millions chacun) puis sans doute le Niger. Reste à savoir sous quelle forme cette aide sera matérialisée et à quelles conditions.

25 février 2006

La peur du plombier polonais plombe-t-elle l'enseignement?

Les chants de victoire de ceux qui, hier encore, vilipendaient la directive Bolkestein, laissent à penser que tout est pour le mieux dans la libre circulation des services. C'est que les opposants à cette directive, les Français surtout, ont mis en avant le "principe du pays d'origine", stigmatisé par le raccourci du "plombier polonais", au lieu de souligner où se trouve le vrai problème de cette directive: l'ouverture à la concurrence des services d'intérêt général. Exit donc le principe du pays d'origine, et sauvegardés les services publics tels que la santé et les transports. Le prix à payer est l'abandon à la libre concurrence et au privé de deux secteurs d'intérêt général fondamentaux: l'eau et l'éducation. En s'appuiant sur les réglementations conjointes (et parfois contradictoires) de l'OMC et de la directive Bolkestein nouvelle mouture, les écoles privées de tous les pays européens vont pouvoir ouvrir des succursales n'importe où dans l'UE et pourquoi pas contester, à terme, le financement par l'Etat des écoles "officielles" en tant que concurrence déloyale au nom des principes de libre-concurrence édictés par l'OMC. Il n'est pas certain que la marchandisation de l'enseignement soit un progrès pour l'humanité, dans la mesure où elle risque de confiner les plus pauvres dans un enseignement officiel exsangue alors que seuls les mieux nantis auront accès à une école disposant des moyens de leurs ambitions. Tant qu'elle sera profitable, bien sûr. Sinon... Sinon quoi au juste?

23 février 2006

Frontières US privatisées?

Le Department of Homeland Security (DHS) des Etats-Unis s'apprêterait, selon "Intelligence Online", à lancer un appel d'offres pour la construction et la gestion d'un système intégré de surveillance des frontières. Ce système fera appel à l'imagerie satellite et à des senseurs, ainsi qu'à des équipes de sol. Le déployement du système est prévu pour 2007, bien qu'à ce jour, les différents projets successifs visant à la surveillance des frontières par le DHS se sont tous soldés par des échecs.
Finalement, un douanier bien armé, en 4X4 et avec un gros molosse derrière un mur (comme à Tijuana), on fait pas mieux.

21 février 2006

Marcinkus meurt avec ses secrets

L'archevêque américain Paul Marcinkus, impliqué dans l'un des plus grands scandales financiers du Vatican, est décédé mardi à l'âge de 84 ans à Phoenix (Arizona), a annoncé l'agence italienne Ansa citant le diocèse de Phoenix.
Paul Marcinkus était le grand manitou des finances vaticanes du temps de Paul VI. Notoirement lié à la mafia, proche du patron du Banco Ambrosiano et de la loge pseudo-maçonnique P2 Licio Gelli, il fut écarté à la suite de la banqueroute frauduleuse d'Ambrosiano (dont la banque du Vatican, l'IOR, était le principal actionnaire), épisode qui coûta la vie à Roberto Calvi, retrouvé "suicidé" sous le pont de Blackfriars à Londres. Il faut relire à ce sujet le livre de David Yallop "Au Nom de Dieu", qui retrace l'histoire des 30 jours de règne de Jean-Paul Ier et surtout sa mort subite après qu'il eût annoncé vouloir nettoyer les écuries d'Augias de la sainte finance. L'une des meilleures enquêtes journalistiques des 30 dernières années.

Nier le négationnisme?

C'est Courrier International qui rapporte cette info aujourd'hui: "L'historien britannique David Irving a été condamné lundi 20 février à trois ans d'emprisonnement pour avoir nié la réalité de l'extermination des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Une sanction exemplaire, selon une partie de la presse européenne. Mais des journaux s'interrogent aussi sur la limite donnée à la liberté d'expression, si ardemment défendue dans l'affaire des caricatures de Mahomet." Voltaire avait une sentence toute faite pour résoudre ce genre de cas de conscience: "pas de liberté pour les ennemis de la liberté". Notons que le négationnisme est punissable par la loi, ce qui n'est pas encore le cas de la caricature.
Voir article: http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=60238&provenance=accueil&bloc=01

17 février 2006

Pure fiction : Et si le Clémenceau coulait ?

Une petite fiction qui arrangerait tout le monde (sauf les poissons, les pingouins et les écologistes): contraint de revenir de l'océan Indien où il traîne sa carcasse truffée d'amiante cancérigène, le toujours redoutable Clémenceau voit s'alourdir la facture de ses errances de jour en jour. Le convoyage de retour (vers Brest qui n'en veut pas) couterait 1 million d'euros. La marine française a déjà déclaré ne pas vouloir payer une deuxième fois le passage du canal de Suez, trop onéreux (et illégal selon Greenpeace, vu l'état du rafiot).
Après avoir longé l’Afrique, le Clemenceau rejoindra donc l’Atlantique en passant au large du cap de Bonne Espérance, non sans avoir auparavant effectué une escale dans les îles Crozet, à l’extrême sud de l’océan Indien. Un endroit bien connu pour ses redoutables tempêtes et ses icebergs qui n'auraient aucune peine à faire chavirer l'épave tractée. Un nouveau drame de la mer qui réglerait définitivement le problème de ce déchet flottant. Si par hasard, il parvenait à rallier la rade de Brest, il reste encore une "chance" de le voir sauter sur l'une des vieilles mines allemandes qui gisent encore ça et là. Une éventualité que n'exclut pas l'Etat-major
français par la voix de l'amiral Cormoran (ça ne s'invente pas) qui qualifie cette perspective de "tragique". On est prié de le croire sur parole et surtout, si l'on habite Brest, de partir en vacances assez longtemps. Pourquoi pas à Toulon?

Le coup du chinois

Oyez bonnes gens, vous qui avez tous, sans doute, éprouvé ce qu'on appelle "le coup du chinois": une grosse faim une heure après avoir quitté la table du resto asiatique où l'on a englouti le menu 4 services. On met cela sur le compte de la légèreté de cette cuisine toute en nuances et son riz, symbole de l'alimentation des peuples affamés. Mais voilà: des chercheurs de l'université de Madrid viennent de découvrir que le glutamate monosodique, exhausteur de goût généreusement utilisé non seulement par les cuisiniers chinois mais aussi massivement par l'industrie agroalimentaire, augmente la sensation de faim chez les rats. Et pas qu'un peu: de 40%! Pourquoi se gêner? Le E621 (c'est son petit nom) est considéré comme inoffensif et aucune dose limite n'est imposée. Ce qui explique aussi, si l'on veut en revenir au resto chinois, certains bourdonnements de tête dès après la crème de nids d'hirondelles... En extrapolant les résultat de l'étude madrilène chez l'homme, les scientifiques s'inquiètent de l'utilisation croissante de E621 dans les aliments industriels qui pourrait, selon eux, jouer un rôle dans l'obésité galopante. Une hypothèse qui, fait subtilement remarquer "Le Canard enchaîné" (8/2/06), "mettrait l'industrie alimentaire dans la situation des cigarettiers, accusés d'avoir farci leur tabac d'ammoniaque pour rendre encore plus accros les fumeurs". Merci du tuyau!