Bernard Anselme semble faire des émules… Ainsi, Karel Vinck, dont nul n’ignore le cursus patronal (Eternit, Bekaert, Umicore, SNCB, FEB) se dit outré que la presse se fasse l’écho d’une condamnation qu’il a subie en Italie, à titre d’administrateur-délégué d’Eternit, pour homicide involontaire suite la contamination par l’amiante de plusieurs ouvriers morts de mésothéliome, un cancer spécifiquement lié à la fibre d’asbeste. Et de déclarer pour sa défense qu’à l’époque (de 1973 à 1975), il ignorait tout des dangers de l’amiante. «J'ai toujours agi en toute bonne foi, en prenant les décisions qui s'imposaient sur base de l'information médicale qui était à ma disposition à l'époque des faits», déclare Karel Vinck dans « La Libre » de ce jour. Fort bien.
Sauf que… Sauf que Monsieur Vinck nous prend pour des imbéciles. Un patron maniant de l’amiante dans les années 1970 ne pouvait pas ignorer que la nocivité de cette substance est connue depuis le début du siècle. A cette époque on enregistrait déjà un grand nombre de décès parmi les travailleurs de l’industrie de l’amiante. C'est dans les années 1930 que l'on a commencé à suspecter son caractère cancérigène. En 1955, l'enquête épidémiologique de Richard Doll dans une usine textile d'Angleterre apporte la preuve du lien entre exposition à l'amiante et cancer du poumon. Pour le mésothéliome, c'est en 1960 que Wagner établit le lien entre l'amiante et cette maladie. Son étude portait sur 33 cas de mésothéliomes provenant pour la plupart de la zone de la province du Cap, en Afrique du Sud, où était exploitée une mine de crocidolite : parmi ceux-ci, 28 concernaient des personnes ayant travaillé dans la mine ou ayant vécu à proximité. Ce n’est pas un mystère que l’industrie a tout fait à l’époque pour que ces études ne soient pas diffusées. Mais les industriels du secteur étaient les premiers informés ! Monsieur Vinck veut nous faire croire qu’il n’était pas au courant : il faut en conclure qu’il exerçait donc de façon irresponsable un métier qu’il ne maîtrisait pas; s’il « ne savait pas », qu’il reconnaisse au vu de ce qui précède qu’il aurait dû savoir et qu’il cède tous les émoluments perçus lors de son passage chez Eternit aux familles des victimes.
Au lieu de s’offusquer que la presse révèle ce qu’il aurait bien voulu garder caché, M. Vinck ferait mieux de reconnaître ses torts ; ça le grandirait. Je suis prêt à parier qu’il ne prendra pas le risque de se ridiculiser davantage en déposant plainte contre Knack comme il en émet aujourd’hui l’idée dans un piteux contre-feu. Et félicitons la justice italienne d’avoir reconnu le tort causé aux travailleurs en condamnant les responsables, chose que la justice internationale ne s’est toujours pas résolue à faire à l’égard notamment de Saint-Gobain, malgré le dépôt de plusieurs milliers de plaintes (lire à ce propos : http://www.monde-diplomatique.fr/2000/06/HERMAN/13926.html ). On estime qu’à ce jour, alors que Karel Vinck s’offusque, 500.000 personnes se savent condamnées à mourir à plus ou moins court terme des suites de l’exposition à l’amiante. Ambiance dans les chaumières ! Le plus souvent, dans un dénuement total, puisqu’ils ne reçoivent aucune indemnité d’invalides. Et ce, alors que Saint-Gobain annonce des bénéfices records. Pendant l’agonie, les affaires continuent.
Voir aussi http://andeva.free.fr/
15 juin 2006
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