24 mars 2006

OGM : de gré ou de force.

La discussion (?) qui se déroule actuellement en France sur la levée du moratoire sur les OGM a au moins ce mérite : elle démontre la stratégie de harcèlement (on ne peut même plus parler de lobbying) menée par les semenciers pour parvenir à obtenir ce que tous les démocrates affirment depuis toujours non négociable: le brevet sur le vivant. Pour avoir moi-même assisté à un « colloque » chez l’un d’entre eux, et entendu les discours des scientifiques qui leur servent de caution, je peux vous certifier qu’on a affaire à des pros qui ne sont pas près de lâcher le bout de gras (un sacré but de gras). Habiles, les multinationales de la graine privée ont placé le débat sur l’innocuité des OGM, qu’elles se font fort de démontrer (en ne publiant que les études qui les arrangent et en plaçant celles qui les dérangent sous le sceau du « secret industriel », notamment celle qui démontre une altération de la composition sanguine chez le rat nourri au maïs transgénique). Alors que le vrai débat est évidemment ailleurs : à quoi servent les OGM, sinon à enrichir au-delà de toute raison et ad vitam aeternam une poignée d’entreprises sans scrupule ? A rien. En tout cas, rien qui n’ait été démontré et qui soit effectivement utile à l’homme dans sa lutte contre la faim. Je ne vais pas vous fatiguer avec une longue démonstration : ce qu’en dit G.-E. Séralini, expert en OGM pour le gouvernement français et l’UE (Libé, 21/3) en atteste à suffisance: « Après 10 ans d’existence, ils nourrissent les vaches des pays riches, pas les enfants des pays pauvres ». Quant au législateur, il se moque ouvertement du monde : tolérer (au nom de la dissémination « fortuite ») 0,9% d’OGM dans les produits labellisés « bio » est une scandaleuse pantalonnade, une de plus en la matière, et qui vise, selon les termes de Jean-Pierre Berlan, directeur des recherches de l’Institut National de Recherche Agronomique (peu suspect d’agit’prop’), à « euthanasier l’agriculture biologique, dont le seul tort est d’utiliser la gratuité de la nature plutôt que les pétro-impétrants ruineux pour les humains, les sols, l’eau, bref, notre milieu de vie. » (Le Canard enchaîné, 22/3).
Un marché captif de 6,5 milliards de consommateurs, quel industriel n’en rêverait ? Les élus de nos nations sont en train de l’offrir sur un plateau, aides financières à l’appui, notamment à Monsanto, génial inventeur du napalm (qui n’a laissé que de bons souvenirs au Vietnam) et à Bayer qui, au sein du consortium IG Farben, a mis au point le célèbre et hilarant gaz Zyklon B qui a démontré toute son efficacité à Auschwitz et Birkenau. Encore bravo, et surtout merci.

2 commentaires:

Yves Kengen a dit…

Excellente remarque, cela pose tout le problème de la responsabilité politique face à la toute-puissance du marché. Rappelons-nous le piteux "l'Etat ne peut pas tout" de Jospin en 2002 (qui lui a coûté cher).
Or, l'Etat peut tout, si nous sommes encore en démocratie. Exigeons, de la part des politiques, des prises de position courageuses en ce sens, des propositions de loi par exemple. Peut-être une part de leur renonciation se trouve-t-elle dans le dogme auquel tout le monde adhère, selon lequel l'emploi serait lié à l'idée qu'on se fait de la "croissance économique"? Large débat, merci de l'avoir ouvert!

Brian Booth a dit…

"Le jour où on vendra des C4, ça créera de la croissance", comme le disait un bon copain.

En attendant, l'Etat se plaint qu'il n'a plus la maitrise de l'économie mais il se met lui-même hors jeu en avalisant des politiques de libre concurrence excluant une activité économique pour l'Etat... le serpent se mord la queue - vachement souple le serpent!