Saturation du réseau routier : pas rentable, le ferroutage ?
Le débat sur l’élargissement (sous toutes ses formes) du ring de Bruxelles fait couler de l’encre et consomme du papier. Tout le monde feint de découvrir subitement que les accès routiers à la Capitale (comme à d’autres grandes villes du pays) est sursaturé et que des mesures doivent être prises. Or, cela fait bien vingt ans que les bouchons s’accumulent aux heures de pointes dans la périphérie de Bruxelles. Seul changement : les heures de pointes commencent désormais à 6 h 30 et, le matin, se
prolongent fréquemment jusqu’à 10 h 30. Jusqu’ici, reconnaissons que Bruxelles n'a rien fait pour remédier à cette situation grotesque, contrairement aux deux autres capitales les plus proches, Londres et Amsterdam. Le RER ? L’élargissement du ring ? Trop tard, messieurs ! Ces solutions-là auraient dû être mises en chantier il y a au moins 10 ans. On voit bien que les travaux pharaoniques du RER ne s’accompagnent d’aucune politique volontariste de parkings de dissuasion ni d’aucun développement du réseau secondaire des bus. On court donc droit à l’échec.
184 millions d'euros perdus chaque année
Des solutions, il en existe pourtant. L’an dernier, dans une lettre ouverte au Premier ministre (à lire sur ce blog), j’avais fait quelques suggestions en ce sens ; bien entendu, ce sont des solutions qui demandent une volonté politique ferme d’aller à l’encontre des lobbies industriels (FEBIAC et firmes pétrolières en tête). Ces solutions sont d’instaurer un ferroutage obligatoire du trafic poids lourd de transit et de limiter la cylindrée des voitures autorisées à circuler en ville dans un périmètre raisonnable. Deux mesures faciles à mettre en œuvre et qui ne coûteraient pas grand chose. Dans « Le Soir » du 14 juillet, je lis la tribune d’un expert de chez Stratec, spécialiste de l’ingénierie des transports. L’auteur y écrit sans rire que l’alternative ferroviaire n’est « pas rentable » en dessous de 500 km. Sans doute estime-t-il que les files qui s’allongent au-delà de toute mesure sur les autoroutes et sur le ring sont « rentables » ? Dans l’ouvrage « 2050, Odyssée de la Terre », paru dans "Le Soir" pendant l’hiver 2005-2006 et dont je suis l’auteur, on peut lire (page 73) que sur une année, les encombrements routiers représentent 9,2 millions d’heures perdues. Si l’on estime la valeur d’une heure moyenne de travail à 20 euros, ce qui est un minimum, cela fait 184 millions d’euros perdus chaque année à poireauter en respirant 25 millions de tonnes de gaz à effet de serre. Certes, la FEBIAC argue que l’industrie a réussi à réduire de 30 à 50% ces émissions. Mais elle concède aussi que le parc automobile s’accroît de 60.000 à 100.000 véhicules par an en Belgique (chiffres 2004 et 2005). Dès lors, servir l’argument de la rentabilité face à un tel constat relève d’une curieuse logique…
Utiliser ce qui existe
Les deux mesures évoquées ci-dessus ne posent aucun problème structurel majeur. Les gares de Wavre, Ottignies, Hal, Denderleeuw, Alost, Malines et Louvain se situent toutes à quelques encablures du réseau autoroutier et disposent de suffisamment de voies que pour en affecter une ou deux à des navettes de ferroutage. Le matériel existe : par exemple, les rames qui servaient autrefois aux trains de nuit et aux ferries. Et puis, en construire sur le modèle du Shuttle ne poserait aucune difficulté et stimulerait l’emploi du secteur. Les transporteurs routiers y trouveraient leur compte, puisqu’ils gagneraient du temps en évitant les bouchons. Les chauffeurs pourraient mettre cette pause à profit pour se reposer. Bref, c’est tout bénef’ pour tout le monde.
Esprits chagrins
Il en va de même pour la limitation des cylindrées en ville : définir un périmètre dans lequel seules les voitures à essence de 1,2 l ou diesel de 1,7 l. maximum (on peut aussi établir la limite en Kw/h ou en Cv fiscaux) seraient autorisées à entrer. Bien entendu, cela suppose de développer des parkings supplémentaires aux abords des stations de métro. Mais c’est bien là le seul obstacle, à part bien entendu l’inertie de ceux pour qui rouler en grosse voiture dans les petites rues du centre ville est un signe extérieur de fierté (ou de puissance sexuelle). Je ne doute pas qu’il se trouvera des esprits chagrins pour taxer ces idées d’utopistes et d’irréalistes. Je les invite à les chiffrer et à les comparer au coût actuel de la saturation d’une part et, d’autre part, au coût prévisionnel des travaux envisagés sur le ring de Bruxelles. Comme chacun sait, l’utopie n’est pas l’irréalisable, mais le non encore réalisé…
15 juillet 2007
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