26 mai 2008

Manipulation sémantique : le vrai débat sur les OGM

Dans l’édition du 22 mai du « Soir », une carte blanche de Michel Van Koninckxloo et Martine Gadenne titre « OGM : les manipulateurs vont-ils gagner la partie en Wallonie ? ». Cet article, paraissant conjointement à la Journée mondiale de la biodiversité, est loin d’être innocent. On y retrouve les grands principes de l’argumentation pro-OGM : l’amalgame (assimilant les espèces transgéniques aux espèces hybrides), le raccourci méprisant pour discréditer le contradicteur (traité ici de « manipulateur » et soupçonné de « désinformation organisée »), le syllogisme (« heureusement qu’on n’a pas renoncé, sous le couvert du principe de précaution, à la roue, à la vapeur et à l’électricité »), le mensonge par omission (« tous les maïs cultivés chez nous sont des hybrides issus des progrès de la génétique » qui oublie de dire que le maïs est une plante tropicale qui n’est cultivé chez nous que pour répondre aux objectifs commerciaux américains du Plan Marshall de 1947), voire le mensonge tout court (« les agriculteurs doivent racheter des semences chaque année aux multinationales semencières » - les bio-agriculteurs apprécieront !) etc.

Ce texte est à montrer dans les écoles de communication comme un archétype de manipulation sémantique. Il prétend rétablir la vérité face au « protectionnisme rampant », « populiste » et « irrationnel » de nos ministres, jugées « dangereuses et dramatiques pour les progrès de la science ». Comme disait fort justement Talleyrand, « tout ce qui est excessif est insignifiant ». Ceci pourrait s’appliquer aux signataires de ce texte, qui ont comme point commun – il ne faut pas chercher bien loin pour le découvrir - d’être collègues au sein du Centre pour l’Agronomie et l’Agro-industrie de la Province de Hainaut (CARAH), dont les recherches sont notamment rendues possibles, ô surprise, par les besoins des multinationales semencières fortunées à la recherche d’études « impartiales ».

Les thèmes récurrents utilisés par les marchands d’OGM sont bien connus et ont été largement analysés. La ficelle de ce genre de document lobbyiste est de plaquer pêle-mêle des lieux communs éculés. Cela fait longtemps que l’industrie semencière a bétonné ses argumentaires « humanistes » et environnementaux, plaçant habilement le débat sur le terrain très médiatique du progrès et de l’innocuité – mettant en avant les études qui lui conviennent et cachant pudiquement les autres (contrevenant ainsi à la loi). Ainsi peut-elle affirmer sans rire, via ses « faux-nez » comme l’association ORAMA en France ou d’éminents chercheurs qui se reconnaîtront, que les OGM améliorent la qualité et la sécurité des aliments. Objectif de la manoeuvre : éviter d’aborder le sujet qui fâche et qui dérange, celui du brevet sur le vivant.

Depuis la nuit des temps, l’agriculture a permis au paysan de garder une partie de sa récolte pour les semis à venir. La culture d’OGM en plein champ sonne le glas de cette liberté plurimillénaire ; une fois contaminée par un pollen « breveté », la plante intègre ce gène dans sa descendance et tombe irrémédiablement sous le coup de la « propriété industrielle » du titulaire du brevet en question. Que le cultivateur le veuille ou non. Plusieurs procès retentissants, au Canada notamment, ont conduit à leur perte des agriculteurs qui n’avaient rien demandé et chez qui les « flics » privés de Monsanto et consorts ont retrouvé des traces de leurs chères plantes brevetées. Les OGM au secours de la faim dans le monde ? La bonne blague : ce qu’en dit G.-E. Séralini, expert en OGM pour le gouvernement français et l’UE (Libé, 21/3/06) en atteste à suffisance: « Après 10 ans d’existence, ils nourrissent les vaches des pays riches, pas les enfants des pays pauvres ». Sûrement la faute aux « manipulateurs protectionnistes » du Darfour ! Quant au législateur européen, il se moque ouvertement du monde : tolérer (au nom de la dissémination « fortuite ») 0,9% d’OGM dans les produits labellisés « bio » est une pantalonnade scandaleuse, qui vise, selon les termes de Jean-Pierre Berlan, directeur des recherches de l’INRA (peu suspect d’agit’prop’), à « euthanasier l’agriculture biologique, dont le seul tort est d’utiliser la gratuité de la nature plutôt que les pétro-impétrants ruineux pour les humains, les sols, l’eau, bref, notre milieu de vie. » (Le Canard enchaîné, 22/3/06). La culture d’OGM en plein champ sonne le glas de l’agriculture biologique et de la liberté de chacun de conserver des graines comme patrimoine naturel.

Il convient de bien mesurer l’enjeu, qui dépasse très largement la notion de territoire. Comme la radioactivité, le pollen ignore les frontières. Les cultures vivrières traditionnelles pourraient, sur un simple coup de vent, se voir contaminées et les millions de petits agriculteurs des pays du Sud, dont c’est la seule « richesse », obligés de payer ad vitam aeternam des royalties aux riches mammouths de l’agrobusiness – tout ça parce que les agriculteurs productivistes du Nord veulent augmenter leurs rendements. Et qu’on ne vienne pas dire que les OGM ne se propagent pas : un gène de canola transgénique utilisé au Canada a été retrouvé au Japon, où cette variété voisine du colza n’a jamais été cultivée. Le problème est le même que pour les espèces invasives, sauf que celles-là ne sont pas brevetées.

La malhonnêteté intellectuelle des semenciers et leur puissant lobbying (voir l’exemple de la « loi OGM » française en cours de ratification après une longue « préparation » des sénateurs-clés), cautionnés par d’éminents scientifiques dont ils financent parfois les recherches, ont bien entendu leurs motivations : un marché captif de l’alimentation mondiale, quel actionnaire n’en rêverait ? Alors, ne nous trompons pas de débat. Il est clair que les OGM sont déjà dans notre assiette et que personne n’en est mort. C’est comme l’amiante ou l’ESB : une possible bombe à retardement. On ne sait pas encore ce que ça fait à la santé. Par contre, offrir sur un plateau l’exclusivité de l’agriculture universelle aux multinationales cupides, ça, on en mesure parfaitement le risque. CQFD.

28 décembre 2007

Contes et légendes du Pays de Belgique

L’émission de la RTBF « Dossiers Noirs » revenait, la semaine dernière, sur l’affaire des détournements de fonds au Village N°1, au profit de Jean Wauters et d’Hélène Schollaert (quelque 20 millions d’euros, au bas mot).
La plainte déposée par les nouveaux responsables du Village a été instruite, au départ, par le Procureur du Roi de Nivelles Jean Deprêtre. Le journaliste Georges Huercano-Hidalgo rappelle que si le dossier s’y est longuement enlisé, ce pourrait être à la demande du Palais, et plus particulièrement de Jacques Van Ypersele de Strihou, secrétaire particulier du Roi (à l’époque, Baudouin). En effet, plusieurs membres de la famille royale apparaissent dans le dossier comme ayant bénéficié des largesses de Jean Wauters, lesquelles auraient pu justifier, de la part du Palais, un appel du pied au Procureur Deprêtre, notoirement proche de l’entourage royal.

Stratégie de tension
Par un de ces parallèles dont l’Histoire a le secret, on se souviendra que Jean Deprêtre a eu à instruire, dans les années 1984 et suivantes, le fameux dossier des « Tueurs du Brabant ». A l’époque, il avait été le seul à soutenir, contre toute évidence, la thèse des « prédateurs » - conduisant à l’arrestation de la « filière boraine » qui se clôturera par un piteux non lieu. Or, la thèse la plus souvent citée par les spécialistes est davantage celle d’une action terroriste (téléguidée par la sûreté de l’Etat et le réseau Gladio?) destinée à instituer dans le pays un « pouvoir fort », face aux menaces supposées des pacifistes (contre l’installation des missiles Pershing II) et d’activistes tels que les CCC – des rigolos, même s’ils furent inspirés par les Brigades rouges, Action directe et la Rote Armee Fraktion. La « stratégie de la tension », tactique bien connue de la CIA là où les intérêts commerciaux et stratégiques américains sont potentiellement menacés par un affaiblissement du pouvoir ou une montée inquiétante de la gauche, avait bien fonctionné, si l'on ose dire, à la gare de Bologne (1980) ; pourquoi pas en Belgique, siège de l’OTAN ? On pourrait logiquement se demander si ce cher Jean Deprêtre n’aurait pas, là aussi, aiguillé l’enquête sur une fausse piste pour servir l’intérêt supérieur de la nation… Transmis au Juge d’instruction Raynal, de Charleroi, seul en charge de l’enquête à ce jour et qui vient de faire exhumer le cadavre du concierge de l’Auberge des Chevaliers, à Beersel, retrouvé mort en 1982 et cité comme témoin dans l’affaire dite des « ballets roses »… Ah, il y aurait donc un rapport? Sans blague? Pour rappel, l'affaire des ballets roses, dite aussi "affaire Pinon" (1979), mettant en cause de "hauts personnages de l'Etat", fut instruite par un certain Deprêtre, Jean, procureur à Nivelles et jamais élucidée, elle non plus.

Etat fébrile
Enfin, comment ne pas faire le rapprochement avec un nouvel épisode curieux, survenant à un moment précis où le pays est particulièrement fragilisé : à peine le gouvernement intérimaire Verhofstadt III intronisé, voilà que la sûreté de l’Etat – déjà citée – met le ministère de l’Intérieur en alerte face à des « menaces d’attentats » liés à une présumée tentative d’évasion du terroriste Trabelsi. Alors, nouvelle « stratégie de la tension » ? Toujours est-il que la sénatrice Anne-Marie Lizin a demandé un rapport détaillé au comité « R », chargé du contrôle des services de renseignements. La confiance règne… En attendant, Nizar Trabelsi est sous bonne garde à la prison de… Nivelles. Ça n’a évidemment rien à voir, mais la boucle est bouclée…

A propos de l’affaire Trabelsi: http://www.rtbf.be/info/belgique/ARTICLE_145819
A propos de l’affaire Village N°1: : http://www.lalibre.be/index.php?view=article&art_id=373082
A propos des tueries du Brabant (source non validée mais apparemment bien documentée): http://tueriesdubrabant.googlepages.com/lespistes

05 septembre 2007

Mobylette ou scooter

M'hamed Bellouti, vous connaissez? Non, ce n'est pas le sale type qui a volé la mobylette du fils de Sarkozy. Voyez plutôt (Le Monde de ce jour):

Jean Sarkozy, l'un des fils de Nicolas Sarkozy, fait l'objet d'une citation directe, le 11 septembre, devant la 10e chambre du tribunal correctionnel de Paris. Selon l'assignation, le 14 octobre 2005, place de la Concorde à Paris, il aurait heurté avec son scooter l'arrière d'une BMW conduite par M'hamed Bellouti. Il ne se serait pas arrêté, et aurait eu "un geste offensant" à l'intention du conducteur. M. Bellouti a pu relever le numéro d'immatriculation du scooter, l'a transmis à sa compagnie d'assurances, la MAAF, qui aurait relancé à trois reprises en 2006 Jean Sarkozy, sans obtenir de réponse de sa part. M. Bellouti a donc chargé ses avocats de faire citer à comparaître M. Sarkozy. Quatre délits lui sont reprochés : délit de fuite, défaut de maîtrise de son véhicule, non-respect des distances de sécurité et dégradation légère de la voiture. M. Bellouti réclame 260,13 euros pour des frais de réparation, ainsi que la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts.


Annoncé dans la même édition que celle où Papa entend faire la leçon aux enseignants quant à l'éducation de nos chères têtes blondes, ça fait un peu désordre... Nul doute que les profs apprécieront d'être tancé par l'éducateur d'un tel exemple!

28 juillet 2007

La politique, un jeu d'enfant?

Le cas de Villepin « mis en examen » (osons le mot usuel en Belgique mais désormais tabou en France, nouvelle gouvernance oblige : inculpé) dans ce qu’il est convenu d’appeler «l’affaire Clearstream", me suggère une triple réflexion.

1. D’abord, il démontre qu’un homme parvenu aux plus hautes fonctions de l’Etat sans avoir affronté les dures réalités du suffrage universel est tellement coupé des réalités du monde des citoyens qu’il se croit tout permis, notamment en termes de manipulation et d’utilisation des pouvoirs qui lui sont conférés, précisément, par la démocratie. Qu’on me cite, en dehors de Raymond Barre (dont le bilan est loin d’être brillant) un seul ministre, issu de la société civile sans avoir été élu, ayant fait des étincelles ! Souvenons-nous de Tapie, Schwarzenberg, Mer, Breton… Quand ce n’est pas la confusion des genres, c’est la méconnaissance des mécanismes démocratiques qui les condamne à plus ou moins brève échéance.

2. Décidément, Jacques Chirac reste «intouchable» même après la fin de son mandat présidentiel. Il en aura usé, des «fusibles» ! Juppé, Tibéri, Casetta, Roussin et maintenant Villepin… Dans le cas de ce dernier, on comprend mal pour quelle raison il continue de «couvrir» un homme aux abois qui n’a plus aucun pouvoir et hante lui aussi l’antichambre du Palais de Justice. Il doit en savoir des choses, le Jacquot…

3. Ceux que l’utilisation du vocable «affaire Clearstream» pour désigner cette pitoyable affaire (voir Le Verso du 16 mai 2006) arrangent le mieux, ce sont précisément les responsables de Clearstream. Jusqu’alors, l’affaire Clearstream, c’était l’enquête du journaliste Denis Robert sur les méthodes pour le moins opaques de la chambre de compensation luxembourgeoise. Ses «Révélation$» avaient placé cette institution dans une situation délicate, la contraignant à des démentis peu convaincants et à des attaques en diffamation contre Robert et son éditeur, « Les Arènes ». La translation vers les magouilles politicardes françaises ayant fait de «l’affaire Clearstream» un scandale qui ne concerne plus Clearstream, ils peuvent couler des jours heureux comme si de rien n’était. On dit merci qui ?

23 juillet 2007

La vie des grands fauves

Ceux qui ne sont pas encore convaincus que les grands patrons vivent sur une autre planète que nous n’ont qu’à lire (ou relire mieux) l’interview de Henri de Castries, patron d’Axa, dans «Le Soir» des 20, 21 et 22 juillet (page 17). Sans doute poussé dans ses retranchements par un journaliste d’une folle impertinence («Quel est le grand changement que vous attendez?»), le digne successeur du chasseur de grands fauves Claude Bébéar, un temps pressenti, paraît-il, pour être le ministre des Finances de Sarkozy, lâche cette phrase définitive : «Il faut accepter que le monde a changé et que le modèle dominant, c’est l’économie de marché tempérée par la démocratie.» Je répète, que vous saisissiez bien : Il faut accepter que le monde a changé et que le modèle dominant, c’est l’économie de marché tempérée par la démocratie.

Si l’on comprend bien, pour M. de Castries, la démocratie n’est rien de plus qu’un élément de tempérance au service de l’économie de marché. Comme on ne peut pas imaginer, de Castries étant un grand chrétien, que cette philosophie soit du cynisme pur ou du délire éthylo-mégalomaniaque, on doit donc en déduire qu’à force de n’évoluer qu’en petits cercles élitistes, les grands patrons vivent sur une autre planète que nous. On frémit à l’idée que ce type pourrait être un jour ministre… dans une démocratie !

15 juillet 2007

Trop tard, messieurs!

Saturation du réseau routier : pas rentable, le ferroutage ?
Le débat sur l’élargissement (sous toutes ses formes) du ring de Bruxelles fait couler de l’encre et consomme du papier. Tout le monde feint de découvrir subitement que les accès routiers à la Capitale (comme à d’autres grandes villes du pays) est sursaturé et que des mesures doivent être prises. Or, cela fait bien vingt ans que les bouchons s’accumulent aux heures de pointes dans la périphérie de Bruxelles. Seul changement : les heures de pointes commencent désormais à 6 h 30 et, le matin, se
prolongent fréquemment jusqu’à 10 h 30. Jusqu’ici, reconnaissons que Bruxelles n'a rien fait pour remédier à cette situation grotesque, contrairement aux deux autres capitales les plus proches, Londres et Amsterdam. Le RER ? L’élargissement du ring ? Trop tard, messieurs ! Ces solutions-là auraient dû être mises en chantier il y a au moins 10 ans. On voit bien que les travaux pharaoniques du RER ne s’accompagnent d’aucune politique volontariste de parkings de dissuasion ni d’aucun développement du réseau secondaire des bus. On court donc droit à l’échec.

184 millions d'euros perdus chaque année
Des solutions, il en existe pourtant. L’an dernier, dans une lettre ouverte au Premier ministre (à lire sur ce blog), j’avais fait quelques suggestions en ce sens ; bien entendu, ce sont des solutions qui demandent une volonté politique ferme d’aller à l’encontre des lobbies industriels (FEBIAC et firmes pétrolières en tête). Ces solutions sont d’instaurer un ferroutage obligatoire du trafic poids lourd de transit et de limiter la cylindrée des voitures autorisées à circuler en ville dans un périmètre raisonnable. Deux mesures faciles à mettre en œuvre et qui ne coûteraient pas grand chose. Dans « Le Soir » du 14 juillet, je lis la tribune d’un expert de chez Stratec, spécialiste de l’ingénierie des transports. L’auteur y écrit sans rire que l’alternative ferroviaire n’est « pas rentable » en dessous de 500 km. Sans doute estime-t-il que les files qui s’allongent au-delà de toute mesure sur les autoroutes et sur le ring sont « rentables » ? Dans l’ouvrage « 2050, Odyssée de la Terre », paru dans "Le Soir" pendant l’hiver 2005-2006 et dont je suis l’auteur, on peut lire (page 73) que sur une année, les encombrements routiers représentent 9,2 millions d’heures perdues. Si l’on estime la valeur d’une heure moyenne de travail à 20 euros, ce qui est un minimum, cela fait 184 millions d’euros perdus chaque année à poireauter en respirant 25 millions de tonnes de gaz à effet de serre. Certes, la FEBIAC argue que l’industrie a réussi à réduire de 30 à 50% ces émissions. Mais elle concède aussi que le parc automobile s’accroît de 60.000 à 100.000 véhicules par an en Belgique (chiffres 2004 et 2005). Dès lors, servir l’argument de la rentabilité face à un tel constat relève d’une curieuse logique…

Utiliser ce qui existe
Les deux mesures évoquées ci-dessus ne posent aucun problème structurel majeur. Les gares de Wavre, Ottignies, Hal, Denderleeuw, Alost, Malines et Louvain se situent toutes à quelques encablures du réseau autoroutier et disposent de suffisamment de voies que pour en affecter une ou deux à des navettes de ferroutage. Le matériel existe : par exemple, les rames qui servaient autrefois aux trains de nuit et aux ferries. Et puis, en construire sur le modèle du Shuttle ne poserait aucune difficulté et stimulerait l’emploi du secteur. Les transporteurs routiers y trouveraient leur compte, puisqu’ils gagneraient du temps en évitant les bouchons. Les chauffeurs pourraient mettre cette pause à profit pour se reposer. Bref, c’est tout bénef’ pour tout le monde.

Esprits chagrins
Il en va de même pour la limitation des cylindrées en ville : définir un périmètre dans lequel seules les voitures à essence de 1,2 l ou diesel de 1,7 l. maximum (on peut aussi établir la limite en Kw/h ou en Cv fiscaux) seraient autorisées à entrer. Bien entendu, cela suppose de développer des parkings supplémentaires aux abords des stations de métro. Mais c’est bien là le seul obstacle, à part bien entendu l’inertie de ceux pour qui rouler en grosse voiture dans les petites rues du centre ville est un signe extérieur de fierté (ou de puissance sexuelle). Je ne doute pas qu’il se trouvera des esprits chagrins pour taxer ces idées d’utopistes et d’irréalistes. Je les invite à les chiffrer et à les comparer au coût actuel de la saturation d’une part et, d’autre part, au coût prévisionnel des travaux envisagés sur le ring de Bruxelles. Comme chacun sait, l’utopie n’est pas l’irréalisable, mais le non encore réalisé…

Tintin : adults only !

En pleine visite d’Elisabeth II en Belgique, c’est d’Angleterre que vient le coup de Jarnac donné à Hergé - l’année même où l’on commémore, à grands renforts de médiatisation tintinolâtre, le centenaire de la naissance de l’ancien dessinateur du « Petit Vingtième ». La chaîne de librairies Borders, au Royaume-Uni, a relégué l’album "Tintin au Congo" dans les rayons de BD pour adultes, suite à une plainte d’un lecteur pour racisme. Le plaignant, un avocat nommé David Enright, a déclaré que ce livre cristallisait les stéréotypes racistes, suggérant que « les Africains étaient des sous-humains, des imbéciles à demi-sauvages ». La belle unanimité dithyrambique qui préside aux célébrations du centenaire d’Hergé s’en trouve écornée et les rares voix qui osent aujourd’hui rappeler le passé sulfureux de Georges Rémy, retrouvent l’espoir d’une vision plus objective du « message » parfois subliminal porté par Tintin.

Grâce au « Soir volé »
Peut-être est-il bon de rappeler que Hergé a grandi dans la mouvance de la droite catholique, sérieusement ébranlée par la Révolution soviétique de 1917, la guerre d’Espagne ou le Front populaire en France. Dans ce milieu ultraconservateur, la «peur du rouge» est omniprésente et justifie des prises de position fermes. Dans son parcours éducationnel, Hergé côtoie des personnalités de l’extrême droite religieuse et culturelle : l’abbé Wallez, éditeur du «Petit Vingtième» dont Hergé sera le rédacteur en chef, Paul Jamin qui, sous le pseudonyme de «Jam», signera les caricatures antipolitiques et antisémites parues dans «Le Pays réel», l’organe du parti fasciste belge Rex, sans oublier le patron de Rex, Léon Degrelle en personne. Certes, jamais Hergé de sera membre de Rex. De fait, il ne se préoccupait guère de politique. Mais quelle est la limite entre politique et civisme ? Sous l’occupation, le jeune dessinateur va grimper les marches du succès et assouvir son ambition grâce, notamment, à la publication de ses dessins dans «Le Soir volé». Le journal bruxellois «Le Soir» est mis par l'occupant sous la tutelle de Raymond De Becker ; issu de la démocratie chrétienne, celui-ci s'était converti au national-socialisme; il était l'homme de la situation pour les Allemands. Ironiquement, c’est à cette époque que « Le Soir » connaît le plus fort tirage de son histoire… Ce dont ne manquera pas de profiter Hergé, qui va fidéliser son lectorat grâce à ce succès médiatique.

Racisme assumé
On fera remarquer que ses dessins n’ont aucune connotation politique. Ceci est discutable, puisque ses dessins ont pour effet (pour but?) d'attirer les jeunes à absorber la propagande distillée dans les pages du journal volé. Et si l'on prend l'exemple de l'aventure de Tintin parue en 1942, «L’Etoile mystérieuse», la touche antisémite et anti-américaine est très marquée et assumée sans complexe. En témoigne le businessmen new-yorkais véreux Blumenstein, au nez crochu, aux lèvres épaisses et au regard fuyant… Et cela, au moment même où les rafles et la déportation des Juifs vers Auschwitz battait son plein. Jamais Hergé n’estimera avoir été un « collabo ». Pour lui, aller au journal sous l’occupant revenait au même que, pour l’ouvrier, retourner travailler chaque matin à l’usine. Peut-être qu’une once d’autocritique ne lui aurait pas fait de tort. Au lieu de cela, il a choisi de nier l’évidence, et avec lui, ses héritiers, ses ayants droit et ses innombrables thuriféraires.

L’histoire repasse les plats
La « Queen » Elisabeth n’aura pas manqué de savourer l’incident « tintinoclaste » survenu dans son Royaume à l’heure où elle déjeunait au Palais de Laeken ; et en digne souveraine de la perfide Albion, elle aura sûrement pensé que definitely, on n’est jamais trahi que par les siens : n’est-elle pas la descendante de Victoria, nièce de Léopold de Saxe-Cobourg, premier Roi des Belges par la grâce de l’Angleterre et qui s’allia par mariage avec la Maison de Prusse ?

24 juin 2007

Super Sarkopter

Vu vendredi matin (grâce au « Soir ») dans le Parc de Bruxelles : un joggeur en T-Shirt à l’écusson du RAID, encadré par une escouade de barbouzes soufflants, court pendant ¾ d’heure sous la haute surveillance d’un… hélicoptère. Le superministère de l’Ecologie est en marche ! A quand un ministère du gaspi paranoïaque ?